Il est en passe de devenir, s’il ne l’est pas déjà, le numéro un mondial des athlètes les plus bankable pour les marques associées au sport. Récemment, c’est le prestigieux groupe LVMH pour Louis-Vuitton, qui l’a recruté. A 20 ans, Carlos Alcaraz séduit tout le monde, plus encore depuis son succès à Wimbledon, dans une finale monumentale disputée à Novak Djokovic. Mais cela fait déjà une paire d’années, que l’Espagnol a tapé dans l’oeil de deux de ses sponsors majeurs : Nike qui l’habille et Babolat qui lui fournit les raquettes. C’est avec la marque française, que le joueur s’est hissé sur le toit du monde du tennis. Dans la droite lignée d’un autre illustre espagnol avant lui, Rafael Nadal, également ambassadeur de Babolat. D’un phénomène à l’autre, Jean-Christophe Verborg le directeur sports marketing du groupe, revient pour Sportune sur l’éclosion et la portée du phénomène Alcaraz.
Depuis combien de temps Carlos Alcaraz joue-t-il avec Babolat et comment l’avez-vous repéré ?
Jean-Christophe Verborg : Carlos joue en raquettes Babolat depuis plus de 10 ans. Quand il était petit, il était sûrement influencé par un certain joueur espagnol de notre équipe (Rafael Nadal, ndlr), qui jouait avec nos produits. Il y a depuis quelques années, grâce à des joueurs comme Rafa, un pouvoir de traction de la marque Babolat, qui était différent quand nous nous sommes lancés. Quand il avait 10-11 ans, Carlos Alcaraz a été invité à jouer en Espagne, la Babolat cup. Il l’a remporté ce qui lui donnait le droit à un contrat, avec la filiale espagnole de Babolat. Très tôt avec les équipes de détection, nous avons vu un potentiel pour l’avenir. Cela fait plus de dix ans qu’il est chez nous. Nous l’avons signé parce que tennistiquement, il avait des aptitudes, qui même à un jeune âge étaient déjà remarquables. Et parce qu’il y avait déjà ce que nous voyons encore aujourd’hui, une attitude, un langage du corps, un jeune joueur qui était très charismatique et qui véhiculait le plaisir de joueur sur un court de tennis. En plus du fait qu’il était très bon.
Que prévoit quoi le partenariat ?
Jean-Christophe Verborg : C’est un partenariat sur les raquettes, les cordages, les surgrips et la bagagerie
Contribue-t-il avec vous à l’élaboration des produits ?
Jean-Christophe Verborg : Oui, comme tous joueurs d’une manière ou d’une autre. J’ai un travail de collaboration qui va dans les deux sens. C’est à nous de proposer des innovations et il y a évidemment un retour dans l’autre sens sur les évolutions, sur la raquette, le cordage, la tension… Ainsi que la partie que nous appelons la customisation. Carlos joue avec une raquette que l’on retrouve en magasin, mais il y a parfois des variations sur le poids. C’est minime, mais à ce niveau là nous essayons de leur offrir un service haut de gamme. Carlos a joué pendant de nombreuses années avec exactement la même raquette que Rafael Nadal, il a changé en 2020 parce que son jeu a évolué, il fallait que nous trouvions une solution avec une raquette qui lui apportait plus de maîtrise et de contrôle par rapport à une puissance qui était en train de monter. Nous avons aujourd’hui suffisamment de modèles de raquettes, pour faire des ajustements au cours de leur carrière.
Un succès comme celui de Wimbledon accélère-t-il les ventes de vos raquettes ?
Jean-Christophe Verborg : La raquette qu’il utilise est en train de bien se comporter en terme de business. Mais le plus important est l’histoire de Babolat en compétition ; il y a eu Carlos Moya qui gagne Roland-Garros en 98. Après on a eu Kim Clijsters ou Andy Roddick, puis Rafael Nadal qui a donné une visibilité et une crédibilité importante. Même si Rafa est toujours là et j’insiste sur ce point, le risque pouvait être de se dire : « Qui arrive après ? ». La réponse nous l’avons et c’est ce message très fort que nous communiquons à tous les fans de tennis : que nous sommes en place et que nous avons un joueur incroyable par sa performance et ce qu’il est, avec un comportement et une relation avec nous exemplaire. C’est un partenariat extrêmement fort et pour une marque comme la nôtre, c’est extraordinaire.
La raquette fait-elle un bon joueur de tennis ?
Jean-Christophe Verborg : C’est primordial. Après Wimbledon, son agent m’a dit que sa raquette était l’un de ses meilleurs accomplissements. Ça ne veut pas dire que s’il jouait avec une autre raquette il ne serait pas performant, mais tout l’accompagnement que nous avons quand ils sont jeunes, nous permet de bien les connaître et quand ils expriment quelque chose, de pouvoir proposer une solution immédiate qui convienne. Ce n’est pas qu’un logo. Tout passe par la raquette. La raquette mais aussi le cordage, le couple des deux est primordial. Le tennis est un sport très sensoriel. Il y a les sons les sensations dans la main, le bras qui sont pour les joueurs des paramètres de contrôle. Si vous avez confiance dans votre raquette vous êtes libérés d’un poids. Quand Carlos change de raquette dans un match, il faut que nous soyons sûrs qu’il sait avec quoi il va jouer et qu’il va pouvoir mettre la balle avec l’intensité ou l’effet qu’il veut sans avoir le moindre doute.
Les joueurs et joueuses sont-ils fidèles à la même marque toute une carrière ?
Jean-Christophe Verborg : De mon expérience, oui. Quand vous accompagnez un joueur jeune, que vous trouvez des solutions, qu’il est habitué à un service et un accompagnement et qu’il a ses repères, il reste fidèle. La raquette doit ne pas être un sujet de désaccord ou de problème. Ça peut être un sujet de développement, d’innovation, d’ajustement, mais c’est à nous de trouver des solutions.
Alcaraz est forcément courtisé par d’autres marques, y’a-t-il pour vous une crainte de le voir partir ailleurs ?
Jean-Christophe Verborg : Je vous confirme que j’ai un métier qui est un peu angoissant. Ce n’est pas parce qu’un joueur est chez nous, que l’on se dit que nous sommes tranquilles et qu’il ne va pas partir. Au contraire. En revanche, tout le travail qui est fait sur la raquette, le service, la relation… Quand la confiance règne, que le travail est bien fait, que le joueur est content et qu’il gagne avec ses produits, il prend lui aussi le risque à changer. J’ai déjà eu une joueuse que j’ai signé très jeune, qui a décidé de partir quand elle est devenue numéro un mondiale. Elle est revenue un an après. Mais je ne suis pas en train de vous dire que parce que un joueur joue bien et qu’il est numéro un mondial, il ne va pas changer. Parce qu’il y a un risque. Ce serait une faute de se dire que l’on est tranquille. Par définition, il faut toujours être vigilant. Evidemment il est courtisé, mais je pense que nous avons bien fait notre travail.
Les contrats sont signés sur combien de temps ?
Jean-Christophe Verborg : C’est extrêmement variable, ça peut aller d’un contrat d’un an quand il est très simple, à des périodes sur dix ans. Ce sont des choses confidentielles, mais avec Carlos nous sommes engagés pour de nombreuses années.
Pourriez-vous aller plus loin avec lui. L’équiper en textile et chaussures par exemple ?
Jean-Christophe Verborg : De façon plus globale, la chaussure est un produit très important chez Babolat, nous en faisons depuis 2003, en revanche nous n’avons jamais mis la compétition au centre de la stratégie. C’est quelque chose sur lesquels nous travaillons, pour différentes raisons ça prend plus de temps, c’est un peu plus couteux que des contrats raquettes. Oui j’adorerai avoir Carlos sur ces autres catégories de produits. Mais Nike a, comme nous, bien fait son travail en l’accompagnant depuis plusieurs années. Ça n’empêche pas que dans notre stratégie, nous pourrions être emmenés à accompagner des joueurs en chaussures et textiles.
La transition entre Nadal et Alcaraz, c’est pour vous une superbe histoire à raconter en terme de communication…
Jean-Christophe Verborg : Oui. Rafa/Carlos, pour moi sont deux joueurs qui ont chacun leur singularité. Carlos ne remplace pas Rafa, mais effectivement, ce sont deux Espagnols, avec une sorte de continuité qui s’opère naturellement. Mais le plus important c’est de pouvoir être sûr que Babolat soit au top de la performance avec ses joueurs.
Vous avez eu Moya, Nadal, maintenant Alcaraz, avez-vous déjà repéré celui qui leur succèdera ?
Jean-Christophe Verborg : Nous n’arrêtons pas. Je dis souvent que l’enjeu le plus stressant pour moi qui dirige ce département, c’est la gestion des générations de joueurs. J’ai des équipes qui sont responsables de la détection, qui vont suivre les jeunes de 13-14 ans sur les tournois. On est évidemment déjà sur la question de qui on a, chez les moins de 12, 14, 16 ans, garçons ou filles. C’est un travail permanent qui ne s’arrête jamais. Quand Carlos Alcaraz arrêtera – a priori c’est pas pour tout de suite -, il faut que nous puissions nous dire que nous avons encore, pour continuer l’histoire, de supers ambassadeurs. Toutes les semaines nous regardons les tournois, pour voir sur qui nous voulons investir… C’est un travail permanent.