Personnage haut en couleur de France Télévisions, Nelson Monfort est un journaliste à part. Avec ses gimmicks bien à lui, il a marqué – et continue de marquer – le grand public par ses interviews vivantes et indissociables des grandes manifestations sportives. À quelques semaines de la 121e édition des Internationaux de France, le célèbre commentateur intervieweur s’est livré sans retenue au rédactions de Sportune et du Sportbusiness.club.
Nelson Monfort, inutile de présenter le « Monsieur interview » du sport, mais comment Nelson est devenu Monfort ?
Nelson Monfort : Ma carrière est un puzzle harmonieux, et les pièces se sont imbriquées assez naturellement au fil du temps. Je n’ai rien forcé, en revanche, fort de mes expériences dans la presse, puis en radio, j’ai toujours fait en sorte de sublimer mon r d’intervieweur. Autrement dit, je me suis efforcé d’exister au-delà de mes compétences linguistiques pour endosser le costume de commentateur intervieweur.
Vous êtes aujourd’hui une figure iconique… Voilà bientôt 30 ans que votre voix résonne sur les antennes de France Télévisions. Quel est le sentiment qui domine quand vous regardez en arrière ?
Nelson Monfort : De la fierté évidemment, qui ne le serait pas ? Pour autant, je n’ai jamais cherché la lumière. Ceci est d’autant plus vrai que je suis arrivé assez tard à la télévision. Ce n’était pas une obsession, et j’ai d’ailleurs la conviction que cette absence d’ambition suprême d’entrer à la télévision m’a apporté une tranquillité d’esprit et un certain recul.
D’ici quelques semaines, vous reprendrez vos services à Roland-Garros. Comment avez-vous pris l’habitude de préparer cet évènement ?
Nelson Monfort : Par respect des personnes croisées, je n’arrive pas comme une lettre à la poste. Je suis bien évidemment l’actualité du tennis avec passion… Cela dit, on me demande souvent si je prépare mes questions à l’avance, sauf que ce serait impossible puisque l’interview est forcément corrélée à l’imprévisibilité de la prestation sportive. Mes questions sont, de fait, forcément spontanées, et s’adaptent à chaque cas de figure. L’interview est un exercice compliqué, on marche sur un fil. Il faut avoir de l’empathie, et emprunter le ton adéquat en fonction du résultat obtenu par le ou la joueuse. Il est nécessaire de partager leurs émotions avant de se lancer, j’ai d’ailleurs renoncé plus d’une fois à une interview car je sentais qu’un athlète ne serait pas en mesure de livrer ses sensations. Si ce n’est que du sport pour nous, c’est leur vie pour eux.
Vous avez côtoyé les plus grands athlètes, quels sont ceux qui vous ont le plus marqué ?
Nelson Monfort : J’ai eu la chance inouïe d’accompagner deux incroyables champions tout au long de leur carrière, Usain Bolt et Rafael Nadal. Dans les deux cas, ils m’ont témoigné une confiance formidable. D’une certaine façon, ils m’ont apporté encore plus de crédit. Paradoxalement, je m’aperçois que le contact est aujourd’hui plus facile avec les grandes pointures sportives.
Ce qui n’était pas le cas à vos débuts ?
Nelson Monfort : Disons que la relation avec les sportifs a drastiquement changé depuis l’arrivée des réseaux sociaux que j’aime appeler fléaux sociaux. Ils ont changé la donne du rapport humain, les athlètes savent que leurs moindres faits et gestes sont scrutés, et ont perdu en spontanéité par peur d’écorcher leur image. À l’époque, il n y avait aucune barrière, j’allais à la rencontre de John Mc Enroe, de la même manière que je me rendais chez le pâtissier du coin. C’est un temps révolu, les sportifs sont à présent entourés d’une cohorte de professionnels de l’image qui aseptisent la communication.
Ce calcul et ce manque de spontanéité se retrouvent-ils dans toutes les disciplines ?
Nelson Monfort : Il y a des sports un peu plus épargnés. Le cyclisme, l’athlétisme ou le patinage par exemple, ont sur garder une simplicité dans les rapports humains. Il y a une forme de naïveté qui est attachante. Il suffit d’observer la façon dont les athlètes africains s’expriment sur les grandes manifestations d’athlétisme. Ils ne sont pas forcément familiers avec les codes des médias occidentaux et s’illustrent très souvent avec une relative candeur.
Prenez-vous toujours autant de plaisir dans votre métier ?
Nelson Monfort : Absolument. La sympathie du public, et la reconnaissance d’une chaine du service public après une telle longévité sont une grande fierté. Je ne boude pas mon plaisir, et travaille avec le même enthousiasme et professionnalisme qu’il y a 20 ans. Avec le temps, j’aurai pu faire preuve de suffisance, mais j’ai toujours gardé un haut degré d’exigence pour partager la passion du sport. Peut-être que cet état d’esprit me quittera un jour, si tel est le cas, je tournerais la page.
Le clap de fin n’est donc pas pour tout de suite !
Nelson Monfort : Je suis assez réaliste. Je travaille sur une chaine du service public, ce qui m’invite à penser que mon vrai patron, au-delà de mon employeur, c’est le public. Après tant d’années à l’antenne, je continue de recevoir beaucoup de soutien, ce qui m’encourage évidemment à ne pas m’arrêter. Et puis, il y a de belles échéances sportives, inutile de nier qu’elles sont dans un coin de ma tête. Quoi qu’il en soit, je ne forcerai pas, et saurai tirer un trait au moment venu. Pour l’heure, je prends les choses comme elles viennent. Je vais vous faire une confidence, à chaque fois qu’on m’interroge sur ma participation à Roland-Garros, j’y réponds sans certitude, car aucune situation n’est acquise.
Propos recueillis par Alexis Venifleis