Assis au bord de la piscine de l’hôtel Es Saadia, à Marrakech, Fabien Claude enchaîne entretiens et interlocuteurs, avec le même plaisir pour chacun. D’abord conscient qu’en tant qu’athlète professionnel, c’est une mission dans son cahier des charges, que de répondre aux sollicitations de la presse. Et parce qu’il ne boude pas son plaisir d’échanger sur ses passions ; le biathlon en premier, en tant que membre de l’équipe de France de la spécialité. Et le poker, raison de sa présence au Maroc ce jour-là, invité par Winamax à participer au Sismix, le festival annuel de l’opérateur français.
Fabien est le cadet de la fratrie Claude, tous biathlètes pros, mais le plus titré des trois frères, notamment en tant que champion du monde du relais, cette saison 2023. Pour Sportune, le Vosgien de 28 ans a pris le temps de décrypter sa carrière hors des pistes et du pas de tir, dans tout les à-côtés qui accompagnent la partie sportive.
Un entretien riche et long, à lire en deux épisodes ; le premier consacré à tous les aspects de la communication, l’autre aux sponsors et à sa future reconversion. Qu’il a déjà dans un coin de sa tête…
Quelle est la raison de votre présence à Marrakech ?
Fabien Claude : Nous sommes invités (avec son frère aîné, Florent), par Winamax pour venir sur le Simsix, découvrir aussi le monde du poker. Je connais très bien Pierre Calamusa (professionnel du team Winamax, ndlr). Dans la famille, nous aimons le jeu. Nous nous sommes programmés le calendrier en même temps, pour venir ici. Ça permettait de lier l’utile à l’agréable et de venir voir tout ce beau monde, pour s’ouvrir à un autre milieu et sortir de notre bulle du biathlon.
Jouez-vous beaucoup au poker entre frères ?
Nous aimerions jouer plus. C’est un jeu qui nous passionne, mais ce n’est pas à l’ordre du jour, car nous avons une carrière à mener. Le poker et le biathlon sont très chronophages. L’un dans l’autre ferait que nous baisserions peut-être nos performances principales. L’objectif, c’est d’aller chercher une médaille lors des prochains J.O.
Parce que le poker prend de l’influx quand on joue ?
Fabien Claude : Oui, et parce que tu vis à des horaires décalées. C’est pas compatible, tu ne peux pas cumuler les deux. Le mieux pour ne pas avoir de regrets dans sa carrière sportive, c’est pour l’instant de mettre de côté cette passion, sans que cela m’empêche d’aller à des évènements, ou de jouer online, si c’est bien planifié. Mais le plus important c’est de faire du biathlon.
Il faut une certaine discipline en biathlon comme au poker. Et-ce ça qui vous rapproche ?
Fabien Claude : Il y a de supers parallèles, oui. C’est pour cela que nous aimons ce jeu. Il y a un aspect mental dans le poker. J’ai tendance à dire que j’aime me servir de mon expérience dans le poker pour faire du biathlon, et de mon expérience en biathlon pour jouer au poker. Quand je joue, c’est aussi pour progresser, trouver des clés mentales qui vont faire que j’arrive à gérer des moments de stress. C’est des moments de stress qui m’apporteront ou non. Je le prends vraiment comme du travail.
Comme sur le pas de tir, il est aussi question de bluff ou d’intox?
Fabien Claude : C’est quand même vraiment différent. En poker, il y a de l’analyse humaine parce que contrairement au biathlon, les mecs on les connaît très peu, il faut les appréhender. Je vais peut être me faire un peu taper sur les doigts par les joueurs de poker, mais pour moi, ce n’est pas un sport de haut niveau. Bien sûr qu’il y’a des choses incroyables à faire, mais le biathlon est beaucoup plus chronophage, il est plus contraignant d’aller s’entraîner, d’aller sous la pluie… Tu dois plus te mettre de « coups de pied au cul », parce que pour les gars du poker, je pense que c’est d’abord une passion.
Parce qu’il n’y a pas la dimension physique derrière ?
Fabien Claude : Je crois qu’il y en a de plus en plus qui se préparent physiquement. Mais on ne voit pas que des athlètes à table non plus, alors que quand tu es sur un circuit de coupe du monde, il n’y a que des athlètes. Mais c’est aussi cette mixité qui est sympa.
Votre sport, le biathlon est en plein essor médiatique en France. Les audiences enregistrées par le diffuseur (L’Equipe, ndlr), vous surprennent-elles ?
Fabien Claude : Le biathlon était déjà un peu connu, mais on ne s’attendait pas à ce que ça prenne cette ampleur. C’est Martin (Fourcade, ndlr) qui a amené le biathlon sur la chaîne l’Equipe. Ils en font une couverture exceptionnelle. Je pense que le biathlon est un sport très télégénique, avec du suspense, des rebondissements, une TV story. Les gens s’identifient à un athlète, parce que ça dure 3-4 mois, c’est un peu le feuilleton de l’hiver. Le téléspectateurs sait qu’il a sa course de biathlon, son athlète préféré, là-dessus c’est cool. Et on est dans le bon côté de la notoriété, nous sommes connus mais nous ne sommes pas des stars de foot qui eux, ne peuvent pas faire quelque chose dans la vie privée, sans que ça finisse sur les réseaux sociaux. C’est une vie qui me convient.
Les réseaux sociaux, ne sont-ils pas trop dur avec vous les athlètes professionnels ?
Fabien Claude : Si. Parfois ça peut être cassant, surtout sur les relais. Tu fais gagner ou tu fais perdre une nation. Après je crois que les gens qui te cassent, c’est aussi ceux qui vont te féliciter. J’ai accepté que, comme nous passons sur une chaîne publique, et que nous faisons de l’audience, il y a des haters ; des gens qui préfèrent un tel ou un tel. Le meilleur moyen, c’est de ne pas regarder les commentaires.
Ça compte pour vous la notoriété ?
Fabien Claude : Oui, c’est quelque chose qui me plait. Mais de plus en plus, je me rends compte que les vies de stars sont très compliquées. Alors, oui c’est cool, ils gagnent des dizaines de millions, mais ils sont prisonniers de leur vie. Je n’aurai pas envie d’être comme ça. Mais aujourd’hui, c’est une satisfaction personnelle de dire que j’ai fait des bons choix dans ma vie et que j’ai bien réussi à tenir ma discipline. Après s’il y a des jaloux, ils n’ont qu’à prendre une carabine et des skis et de faire la même chose (rires)
Comment l’entretient-on, car vous êtes sous les feux des projecteurs durant quatre-cinq mois et après, on ne parle plus trop de vous ?
Fabien Claude : En essayant de diversifier le contenu. Après je n’expose pas 100% de ma vie privée. Quand tu t’entraines le matin et l’après -midi, t’as souvent une ou deux photos qui sont cool, pour partager nos paysages. On découvre plein d’endroits, c’est une chance d’avoir ces facilités là aussi, que j’essaye de le partager sur mes réseaux.
Vous êtes staffé pour votre communication ?
Fabien Claude : Nous sommes un peu tout seul. Même si des formations sont proposées, mais la fédé ne nous oblige à rien. Ce n’est que nous qui gérons, ou alors, indépendamment de la fédération, certains prennent des boites de communication pour libérer du temps, faire d’autres contenus. C’est un peu notre job de l’été aussi. Après il ne faut pas se cacher, il y a un business qui s’est monté autour du biathlon. Tu es plus qu’un biathlète de haut niveau. Je n’en connais pas beaucoup qui n’utilisent pas les réseaux sociaux, ou les médias. Nous sommes exposés et nous devons être capables de répondre à ces exigences. Il y a des choses que nous avons le droit de dire et d’autres non. Si tu dis des conneries dans les médias, ça peut impacter un groupe, une marque, une image…
En parlez-vous entre vous dans le groupe France ?
Fabien Claude : Oui, et je crois que les gars, nous sommes plus attirés par ça, que le groupe de filles. Ça fait partie de notre quotidien. Antonin par exemple, a souhaité se lancer dans les vlogs, mais avant il est venu nous demander l’autorisation. C’était l’année des Jeux, et les coachs le lui ont reproché, car il mettait de l’énergie dedans. Mais les gens ont adoré, parce qu’ils aiment voir la vie de groupe. C’était sans filtre, même s’il a quand même trié les images, parce qu’il y a des phrases, tu n’as pas envie qu’elles sortent. On est obligés de faire attention à ça, à notre image par rapport à ce que l’on publie.
Combien de followers avez-vous sur vos réseaux sociaux ?
Fabien Claude : Je crois que j’en ai 45 000 sur Instagram, 15 000 sur Twitter, et 25 000 sur Facebook. Je dois avoir une communauté de 80 000 followers, en tout. Après ça n’a rien à voir avec des footballeurs ou des influenceurs.
Et dans le reste de l’EDF, qui est le plus suivi ?
Fabien Claude : Quentin doit avoir 150 000 abonnés sur Instagram. Un peu moins sur Twitter. Martin doit en avoir le plus je pense (500 k sur Instagram, ndlr). Après, nous ne recherchons pas ça. Nous avons une communauté active qui, globalement nous respecte. Les gens qui me suivent me laissent très rarement des commentaires négatifs. Sur Facebook, je peux avoir des commentaires négatifs mais davantage de gens qui réagissent à un post de la chaîne l’Equipe que de ceux qui me suivent. Après tu ne regardes pas et tu ne t’en portes pas moins bien.
Les commentaires négatifs peuvent-ils jouer sur votre moral ?
Fabien Claude : Oui, tu peux vite te faire bouffer. Les bons commentaires, tu ne vas pas les retenir alors celui qui te dit que t’es une chèvre, que t’as planté trois fois l’équipe de suite… Quand ça arrive plusieurs fois, tu ne vas retenir que ça. Un mec comme Emilien, des fois il voit des commentaires sur les réseaux, et je lui dis : « Mais n’y va pas ». Ce n’est pas pour lire les mecs qui te félicitent, mais ceux qui te démontent, et après c’est difficile. On a parfois beaucoup de temps libre, on passe du temps dessus.
Les réseaux, ça aide aussi pour les sponsors ?
Oui, bien sûr. C’est incontournable, on fait de l’image pour nos partenaires. En plus de la télé, il faut un suivi sur les réseaux. C’est important, et c’est quelque chose qui va se développer avec l’émergence des agents dans le biathlon.
Pour la gestion de vos droits à l’image, vous gérez cela tout seul ?
Oui. Mais c’est en train de changer un peu, au bon vouloir de chacun. Si tu veux prendre personne, personne ne viendra à toi. Martin (Fourcade, ndlr), était un peu à part. Il était précurseur là dedans, il avait des revenus et une image qui était tout autre que la nôtre. Il ne faut pas se voir trop beau, mais tout évolue quand même de plus en plus vite. Un jeune, qui va être le sept ou huitième français va pouvoir s’en sortir financièrement, alors qu’avant la médiatisation, seuls les six premiers tiraient leur épingle du jeu. Et aujourd’hui, c’est en train de descendre dans la hiérarchie, et c’est tant mieux.