Il y a quatre mois presque tout pile, France 2 diffusait sa dernière émission, à la tête du magazine Complément d’Enquête, qu’il animait depuis trois ans, sur le service public. C’est lui, Jacques Cardoze, qui a souhaité quitter le groupe audiovisuel et rendre sa carte de presse, pour une toute autre aventure qui le démangeait : prendre la direction de la communication de l’Olympique de Marseille, au service d’un club dont il est d’abord un soutien assumé.
Depuis, tout n’a pas été simple pour lui, mais ses débuts sont à l’image du collectif de Jorge Sampaoli : plutôt une réussite, doublée d’une forme d’audace. Comme quand, à Nice, il a cassé les codes ordinaires des communicants, pour détourner toute l’attention dans le camp d’en face et protéger son président, Pablo Longoria, de la vindicte locale, ou médiatique. « Je suis là pour prendre les coups à sa place », explique l’ancien grand reporter, que nous avons rencontré à l’occasion du Sportel, à Monaco, dont il était l’un des membres du jury.
Qu’avez-vous découvert en arrivant à l’Olympique de Marseille ?
Jacques Cardoze : D’abord une rédaction qui est celle de demain. OM TV s’est arrêté il y a quatre, cinq ans, la rédaction a évolué, elle est plus adaptée au monde d’aujourd’hui, sur le digital. Nous avons à la fois des gens dont les métiers sont liés au monde de la télé ; des caméramans, monteurs, journalistes, et en même temps, nous y avons intégré des graphistes, des motions designers, des gens qui viennent de la publicité. Donc aujourd’hui, nous avons une rédaction hybride qui est en mesure de répondre à ce que doit être un média club. Un média club, c’est de la production qui pourrait s’apparenter à de la production journalistique, sauf qu’elle est au service d’une marque et d’une communication particulière.
Quelle est la ligne éditoriale que vous défendez ?
Jacques Cardoze : Nous la définissons en fonction de l’actualité, des événements, quels sont les joueurs les plus en vu, ceux que nous souhaitons mettre en avant… Tout est une question de stratégie et de positionnement par rapport à l’actualité extra-football. Quand vous avez une commission de discipline, ou des moments de crises comme ceux-là, vous ne pouvez pas communiquer de la même façon, que lorsque tout va bien. Je considère que mon métier, c’est surtout de la stratégie de communication. Bien sûr je prends la parole, mais au-delà d’être le porte-parole, le plus important c’est : quelle est la stratégie, qu’est-ce qu’on décide de faire, quand est-ce que l’on communique ou non, que doit-on dire ou ne pas dire, sur quoi nous réagissons, à quel moment ?… C’est beaucoup de travail et de réflexion, mais c’est passionnant.
Vous saviez à quoi vous attendre en prenant vos fonctions à Marseille. Comment vous vous y êtes préparé ?
Jacques Cardoze : Le métier de journaliste et le fait d’avoir vécu des moments de crise, sur des conflits de guerre ou d’autres moments compliqués, ça vous apprend à relativiser et à ne pas s’emporter. Même dans des moments de fortes tensions, il faut essayer de prendre du recul et je pense que l’expérience que j’ai eu m’aide à ça, à trouver les mots justes, prendre le temps de parler, pour ne pas dire n’importe quoi. Tout ça, c’est le fruit d’années d’expérience. Pour le reste, il y a la passion, quand vous êtes passionné par un club et par ce qu’il vous procure comme émotions, vous vous devez de connaître son fonctionnement et son histoire. Mon premier travail c’est d’essayer de comprendre de l’intérieur, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné, quand il y a eu des soucis. Mais aussi de me servir des expériences passées. Je pense sincèrement que chaque président et chaque direction a construit quelque chose, a apporté sa pierre, de la meilleure façon. C’est à nous de continuer, d’essayer de faire grandir ce club.
« Ma mission est de définir la politique de communication du club. C’est-à-dire de s’assurer de sa respectabilité »
Vous assumez votre amour pour l’OM, vous en êtes un supporter, à la frontière entre les fans et le club, est-ce compliqué de jongler entre les deux ?
Jacques Cardoze : Non, parce qu’aujourd’hui, j’ai une fonction qui est claire, qui est d’être au sein d’une direction et je me dois de défendre la ligne que l’on adopte. En revanche, là où c’est un avantage et non un inconvénient, c’est que, non seulement je lis ce qu’il se passe sur les réseaux, mais je ressens aussi une pulsion de supporters. C’est-à-dire que quand quelque chose se passe, une mauvaise décision prise par un officiel, un arbitre, ou quel que soit le contexte, je le reçois d’abord comme un amoureux de l’OM et non comme un dirigeant. Mais en prenant du recul, pour ne pas réagir trop vite. Et surtout pas au chaud.
Quelle est précisément la mission qui vous a été confiée ?
Jacques Cardoze : Ma mission est de définir la politique de communication du club. C’est-à-dire de s’assurer de sa respectabilité. Une communication qui ne résonne pas bien ou ne parle pas aux gens, vous êtes à côté de la plaque. Ma mission est d’être en phase avec les demandes et les attentes, et d’agir aussi en responsabilité. Si on doit dire non, c’est non, il faut assumer. Une direction ne peut pas tout accepter non plus. Ma façon de voir les choses, c’est de m’adapter à la vie du club, en essayant d’avoir une responsabilité et une hauteur de vue, sans jamais se couper de la base et des attentes des supporters.
En terme d’image, la notoriété de l’OM se situe à quel niveau ?
Jacques Cardoze : Je n’en sais rien, ce n’est pas à moi de le dire. C’est aux suiveurs ou aux journalistes de l’analyser. Ce que je sais, c’est que le club est scruté en permanence, que des incidents chez nous prennent toujours plus d’ampleur qu’ailleurs, que nos matchs sont ceux qui sont diffusés le dimanche soir et dans la majorité, c’est l’affiche de la journée, on sait que nous créons l’événement, lorsque nous nous déplaçons et que nous remplissons le stade, même pour un match de coupe en semaine, un jeudi soir. L’OM procure cette passion, elle se vérifie dans le jeu, ça veut dire de la pression pour les joueurs, pour les dirigeants évidemment, et de la pression en terme d’image. La communication c’est de travailler aussi sur l’image du club à tous les points de vue. Notamment à protéger le président. La raison pour laquelle il y a un directeur de la communication, c’est parce que le président ne peut pas tout dire, il ne peut pas et ne doit pas se positionner sur tous les sujets. Je suis là pour prendre les coups et le protéger.
On vous voit beaucoup plus présent dans les médias que vos prédécesseurs. Vous l’a-t-on demandé ?
Jacques Cardoze : Non, non, c’était une stratégie assumée dès le départ entre Pablo Longoria et moi. L’idée étant de se partager les rôles, de faire en sorte que, lui ayant une immense connaissance du foot, il intervient sur ces domaines-là, mais il y en a qui sont « para-footballistiques » et sur lesquels, à mon avis, un président ne doit pas s’exposer. Je suis là pour le seconder.
Vous nous parliez de prendre des coups à sa place, avez-vous l’impression d’en avoir pris depuis votre arrivée ?
Jacques Cardoze : Pas tant que ça. Prendre des coups est une image, s’il y a des critiques sur le positionnement du club, il vaut mieux que ce ne soit pas Pablo qui soit visé.
« Mon expérience des moments critiques, aujourd’hui me sert »
Ce début de saison est marqué par plusieurs débordements dans les stades, à Marseille ou ailleurs. Comment réussir à faire passer le message ?
Jacques Cardoze : Nous avons des relais avec les groupes de supporters, je leur fais confiance. On a parfois une mauvaise image. La réalité est que les leaders de groupes de supporters sont en responsabilité et font très attention à leurs troupes. Quand il y a des soucis, c’est au détriment de tout le monde et d’eux aussi. Nous travaillons avec eux intelligemment, en confiance, nous échangeons beaucoup. Les dirigeants, pas seulement moi, doivent être en contact permanent avec les groupes de supporters, parce que c’est le bon baromètre, pour connaitre leur volonté, et c’est à partir de là que se construit la relation.
Vous avez été grand reporter, journaliste/animateur sur le service public et aujourd’hui vous oeuvrez à l’OM. C’est quoi le plus éprouvant ?
Jacques Cardoze : J’ai été habitué à des niveaux de stress, lorsque j’étais sur le terrain, avec un reportage à faire en très peu de temps, dans des conditions rocambolesques. Je pense aux ouragans, ou lorsque l’on ne dort pas de quinze jours et que l’on doit fabriquer beaucoup de reportages, pour raconter la vie des gens qui sont en détresse… J’ai connu ces moments-là et des moments de guerres aussi, en Irak ou au Liban. Ils vous apprennent à rester maître de vous-même, à essayer surtout, de ne pas se précipiter, pour trouver la juste mesure des choses. Mon expérience des moments critiques, aujourd’hui me sert.
A Nice, certains ont fait l’éloge de votre communication à chaud, au coeur de la soirée. Comment avez-vous géré le moment ?
Jacques Cardoze : Il n’y a pas d’école. Dans un moment de crise, il y a du flair, tout est stratégique. Exposer ou pas le président, réfléchir aux notions de séquences ; la séquence le soir d’un match n’est pas la même que celle du lendemain, du mardi, du mercredi… Ça ne peut pas s’écrire à l’avance, il n’y a pas de règle. Mon chemin de journaliste qui a pu traverser des moments critiques m’aide, dans ce type d’épreuve.
Frank McCourt vous a-t-il déjà reçu en entretien individuel. Et si oui, que vous a-t-il dit ?
Jacques Cardoze : C’est confidentiel, mais oui, oui j’ai rencontré Frank McCourt, à l’occasion des entretiens d’embauche et plusieurs fois ensuite. Ce que je peux vous dire, c’est que c’est important de sentir les volontés de l’actionnaire. Il est investi à 100% dans le projet de l’Olympique de Marseille.