La semaine dernière Craig Pollock a annoncé que son projet de construction d’un moteur de F1 pour 2014 était suspendu pour des raisons économiques. L’écossais n’est pas un inconnu de la discipline. Agent de Jacques Villeneuve, il a fait évoluer sa carrière pour devenir un entrepreneur depuis 15 ans.
Rencontré sur une piste de ski en Suisse dans les années 80, le duo Pollock – Jacques Villeneuve débutera sa carrière aux Etats-Unis en 1993, précisément en Formule Atlantic où le québécois remporte le titre de champion dès la première année. Fort d’un soutien national et de son nom, il sera soutenu en Indycar l’année suivante et une structure sera construite autour de lui. Dirigée par Bary Green et financée en partie par l’homme d’affaire Jerry Forsythe et les cigarettes Players, l’équipe remporte une victoire en 1994 et le titre Indycar, ainsi que les 500 miles d’Indianapolis en 1995. Les portes de la Formule 1 s’ouvrent ainsi à Villeneuve, dont le nom rappel les exploits de son père Gilles, tristement disparu en 1982.
Pollock ne connaissant pas le monde de la Formule 1, demande au redoutable Julian Jakobi, l’ancien agent d’Alain Prost et surtout d’Ayrton Senna, de gérer le début de carrière de Villeneuve. Ce dernier sera le premier pilote de l’histoire à signer un contrat avec toutes les garanties techniques et économiques sans avoir réalisé d’essais privés. Trois jours plus tard, à Silverstone la feuille volante devant annuler ledit contrat a été déchirée par Frank Williams. Le Québécois était engagé pour deux ans chez Williams et 6 millions de dollars de salaire annuel. En parallèle de l’introduction du québécois, Craig Pollock vise plus large et souhaite créer une agence de management avec Jakobi. Ainsi naîtra Stellar Management, qui deviendra plus tard la deuxième agence derrière IMG, à force de fusions. Une agence dont Pollock se désengagera en 1997 pour mieux profiter du rachat de l’équipe Tyrrell.
Car au-delà des 15% qu’il touchait du contrat de son protégé, Pollock a présenté un projet au manufacturier de tabac anglo-saxon, British American Tobacco, qui hésitait entre reprendre une équipe existante (Benetton, Minardi ou Tyrrell) ou devenir sponsor d’un top team à partir de 1999. Si le projet Benetton était piloté par David Richards, le projet de reprise de Tyrrell était le projet de Pollock. Finalement, l’équipe du bon vieux Ken Tyrrell sera reprise pour 30 millions de dollars en 1997 et deviendra BAR à partir de 1999. Un investissement de 50 millions d’euros au total. En guise de remerciement l’écossais devient patron de l’équipe et disposera de 35% du capital de l’équipe. Toutefois le conflit d’intérêt devient fort, lorsque Villeneuve signe pour l’équipe BAR en 1999, c’est ainsi que Jakobi, qui a quitté ses responsabilités de gestionnaires de l’équipe anglaise, se retrouve à devenir le gestionnaire du champion du monde 1997. Pollock touchera 5% des contrats de Villeneuve à partir de là.
Toutefois, l’équipe BAR n’est pas la seule équipe qui a attiré Pollock. Durant l’hiver 2001/2002 il a eu des entretiens avec Alain Prost pour la reprise de Prost GP, en vain. Puis, courant 2002 il visait pour 40 millions de dollars (et le soutien d’Edgar Bronfmann, actionnaire de Vivendi Universal à l’époque) le rachat de l’équipe Arrows. Un échec aussi. Des cibles ayant une raison principale : En réalité Pollock est limogé de l’équipe BAR fin 2001 pour mauvaise gestion et souhaite vendre pour 25 millions d’euros ses parts dans l’équipe anglaise. Il faudra attendre 2004/2005 pour que Honda propose 35 millions d’euros pour reprendre ses 35%. Avec le limogeage de Villeneuve fin 2003, l’homme d’affaire écossais n’est plus vraiment présent en Formule 1. Il reviendra en deux temps.
Dans un premier temps en faisant signer, pour 3 millions de dollars et 100.000 dollars le point, Jacques Villeneuve avec l’équipe suisse Sauber pour 2005 et 2006 et ensuite en visant le rachat de Midland, sous les conseils de Bernie Ecclestone en personne dans le courant de l’année 2005. Finalement l’équipe sera reprise par Vijay Mallya quelques temps plus tard. Pollock subit un nouveau revers avec le licenciement en pleine saison 2006 de son poulain Jacques Villeneuve par le constructeur BMW, nouveau propriétaire de Sauber. La firme bavaroise déboursera tout de même 6 millions d’euros pour dédommager le champion du monde 1997. La boucle est bouclée.
Fortune faite, Pollock décide toutefois de viser un retour en Formule 1. Plus comme agent et plus comme propriétaire d’une équipe, mais comme motoriste. Il lance en Suisse la société PURE avec un capital de 85.000 euros, embauche le magicien de Peugeot et Ferrari, le français Gilles Simon et annonce un budget de 40 millions d’euros pour la conception, la construction et la commercialisation d’un moteur V6 1600cm3 bi-turbo pour la Formule 1 en 2014. Le projet prend de l’ampleur et installe ses ateliers dans l’ancienne usine Toyota Motorsport à Cologne. Mais l’argent d’un partenaire manque, ainsi que les manipulations politiques qui troublent le jeu du projet PURE de Pollock.
En effet, Renault Sport est considéré comme un constructeur indépendant et peut fournir plusieurs équipes, tandis que Mercedes-Benz demande aussi de fournir pour 2014 plus d’équipes qu’aujourd’hui (Mercedes AMG F1, McLaren et Force India). Cosworth, le constructeur indépendant de moteur actuellement présent en Formule 1 va jeter l’éponge à cause de cette concurrence des constructeurs. Une situation difficile pour Pollock et PURE.
Les activités d’agents de Pollock avec Villeneuve lui ont rapporté près de 10 millions de dollars entre 1996 et 2006. La vente de ses parts dans Stellar sont inconnues mais visiblement autour de 1 million de dollars, tandis que ses parts dans l’équipe BAR ont été cédé pour 35 millions d’euros (47 millions de dollars à l’époque).