Sa voix est connue des fans de Formule 1 qui écoutaient les courses à la radio. Sa plume a, pendant plusieurs années, racontée les coulisses du paddock, les secrets techniques cachés par les ingénieurs. Mais la carrière de Stéphane Samson n’est pas que journalistique. Depuis une décennie il est aussi un homme de communication et du marketing sportif. Il a été le directeur du marketing et de la communication de la marque Lotus F1 Team entre 2011 et 2014.
Nous sommes vendredi en fin de matinée. Rendez-vous a été pris dans la semaine. Cela fait bien longtemps que l’envie de parler du marketing de la Formule 1 avec Stéphane Samson nous a pris. Cette fois, l’occasion pour Sportune s’est concrétisée.
L’ambiance est chaleureuse, avant de débuter l’entretien. Nous abordons les nouvelles fraîche de la F1, comme nous le faisions quelques années plus tôt quand nous travaillions ensemble. L’Euro de foot vient de débuter, l’image des bouteilles de bière Heineken lancées par des supporters russes à Marseille contraste avec la cérémonie en grande pompe, qui se tient de l’autre côté du globe, à Montréal. Car au même moment, le brasseur néerlandais devenait un important sponsor de la Formule 1.
Stéphane Samson est détendu, l’interview ne peut mieux commencer…
Marc Limacher: Quel a été ton meilleur souvenir à la tête du branding de Lotus F1 Team ?
Stéphane Samson: Je crois que l’arrivée de Daft Punk dans le garage de l’équipe à Monaco restera comme l’opération marketing la plus difficile à monter, mais aussi la plus gratifiante. Daft Punk n’avait fait que trois apparitions promotionnelles en 20 ans, ils venaient de sortir leur premier album en 7 ans, et ils n’avaient choisi que deux supports pour promouvoir Random Access Memories : Lotus F1 Team et les Grammy Awards !
Il parait que l’opération s’est concrétisée rapidement…
C’est là que j’ai compris une chose : Lotus F1 Team était devenue une marque premium, capable d’attirer des monuments ! Je les ai rencontrés en février, à Paris. Au mois de mai, ils étaient dans le garage. Nous avions même bénéficié de la collaboration de Jonas Akerlund, réalisateur musical de légende, pour réaliser des teasers.
« Le partenariat avec George Lucas et Angry Birds a fait beaucoup de bien à l’image de l’équipe »
Je me souviens aussi que Ridley Scott avait réalisé une bande annonce durant un hiver. Le lien entre le cinéma, la musique et la F1 était-il naturel, dans le modèle de construction de la marque Lotus ?
Oui. Nous avons toujours porté une attention particulière à la qualité des vidéos produites (La F1 qui tracte une caravane ou le concours 0-300km/h étaient, chacun dans leur genre, des petits bijoux). Le partenariat avec Columbia et Sony Music était la clé de voûte du système. Au moment de mon départ, nous étions en discussion avec la FOM pour faire jouer des artistes en live dans le paddock club, retransmis sur le feed international. Des artistes brandés Lotus. Noel Gallagher, Bruce Spinrgsteen, étaient les premiers à avoir accepté.
L’animation dans le Paddock ne se résumait auparavant qu’à la plastique des Pit Girl. Mais avec ce partenariat, avec Columbia, vous avez notamment distribué plein de CD…
… Distribué des CD en exclu, avant leur sortie officielle. Nous avons proposé une playlist spécifique sur le site de l’équipe à chaque course, appliqué un titre de chanson à chacun de nos press releases… Le trio cinéma-musique-jeux vidéos fonctionnait parfaitement pour notre positionnement. Le partenariat avec George Lucas et Angry Birds, par exemple, a fait beaucoup de bien à l’image de l’équipe. Les sponsors adoraient.
« Je voulais que l’on me juge sur le nombre de stickers supplémentaires sur la voiture »
A l’image de Burn qui a rejoint Lotus pour son image, certaines marques proposaient des offres de relations publique très innovantes…
Burn est un excellent exemple. Cette marque a choisi de venir chez Lotus F1 Team afin de bénéficier d’une image plus rock’n roll, que Red Bull ou Williams. C’était tout le but de ma démarche : mon engagement auprès des dirigeants de l’équipe était qu’on ne me juge pas sur le nombre d’articles ou de likes, mais sur le volume de stickers supplémentaires sur la voiture. Je voulais construire un team commercialement sexy. Pour revenir à Burn, ce sponsor a été intelligent : sachant qu’il arrivait en F1 et n’en connaissait pas les usages, il a demandé à mon service marketing/com de coacher ses agences créatives. Les actions étaient ainsi coordonnées. Y compris au niveau du budget.
Et donc ? Le nombre de stiker sur la voiture a-t-il finalement augmenté ?
Sur la période 2011-2013, oui. Et généralement avec de grosses multinationales. La cerise sur le gâteau aurait été un sponsor-titre. Nous n’en n’avons pas eu le temps. Le revers de la médaille était que plus ces « gros » sponsors rejoignaient l’équipe, plus il devenait difficile de poursuivre une communication irrévérencieuse. Mais nous avons tenu bon (il rigole).
A cette époque, vous profitiez de l’image de Kimi Raikkonen. Mais le travail produit par Lotus n’a-t-il pas aussi contribué à sa popularité ?
Si, nous avons beaucoup travaillé sur Kimi. En retour, il a accepté de faire des choses incroyables. Malgré son attitude parfois un peu rude, il savait très bien que ses performances associées à sa nouvelle image, ouvraient des débouchés très intéressants. Il était l’idole des jeunes fans !
« Raikkonen faisait beaucoup d’ombre à Grosjean, en terme d’image » »
Entre l’image de Raikkonen entretenue et magnifié par l’équipe, d’un côté et les supports de la communication digitale laissés à Romain Grosjean, de l’autre, comment les pilotes vivaient ce découpage ?
Kimi faisait beaucoup d’ombre à Romain, en terme d’image. Il a fallu trouver d’autres supports pour mettre le Français en valeur. Mais les choses ont commencé à bouger lorsque Romain a montré son potentiel en piste.
La communication des pilotes, le sponsoring en F1, les rapprochements du foot et de la F1 et les perspectives de la discipline, en matière de communication… La suite est en page suivante.