The Mole aimait l’humour de son ami l’Épouvantail. Rendez-vous au Dorchester Hôtel de Londres, non pas dans le lobby comme d’habitude, mais dans le salon « The Promenade ». Une pièce toute en longueur sur un marbre recouvert de tapis fins. Deux fauteuils velours verts et bois précieux faisant face à un canapé en appui sur deux lampes aux styles assez douteux.
L’ambiance avec ces colonnes, ces moulures dans le plafond et cette couleur jaune épousant l’ensemble de la pièce donnait à la fois un aspect de luxe certain, mais également une ancienne idée de l’Empire britannique. Ce fameux empire dont le soleil ne se couchait jamais, disait-on.
Le sourire reptilien de l’Épouvantail faisait briller ses yeux.
– Ce n’est pas le restaurant de chez Ducasse à côté, mais c’est tout aussi bien, lança t’il.
Le maitre d’hôtel approchait pour s’enquérir d’une commande.
– Deux whisky, deux doigts avec de la glace et deux choses : nous ne souhaitons plus être dérangé et je ne veux personne sur le canapé derrière moi, merci.
La voix de l’Épouvantail était dure et sans appel. Le maître d’hôtel inclina la tête et revint quelques minutes plus tard avec les deux verres. Le silence s’était installé entre The Mole et l’homme en face de lui pendant ce temps.
Une gorgée plus tard, l’Épouvantail savourait les yeux fermés le breuvage écossais.
– Ah, j’imagine que tu apprécie le clin d’œil de l’endroit n’est-ce pas ?
Cela va devenir le lieu de la conspiration britannique désormais. Estima The Mole. Avant de répondre à la question par une autre question :
– Que s’est t’il passé précisément ici en début de semaine ?
L’Épouvantail faisait tourner son verre sur sa cuisse en le regardant. Il donnait l’impression qu’il cherchait ses mots. Une attitude rare, signifiant que le sujet était sensible.
– Hummm, le milliardaire américain, Stephen Ross a réuni les grands d’Angleterre pour soumettre l’idée d’un tournoi alternatif à la Ligue des Champions. Inspirer de ce qu’il a déjà fait aux USA avec son tournoi International Champions Cup, que les clubs utilisent désormais pour faire des tournées en Amérique du Nord.
– Il veut tuer la Champions League ? Décida d’attaquer directement The Mole
L’Épouvantail resta calme et repris une gorgée de Whisky.
– En fait tout dépend de comment on se situe dans l’échiquier. L’UEFA peut estimer que c’est le cas, les clubs non. D’après les informations que j’ai pu obtenir d’un des dirigeants de la réunion, le nouveau tournoi permettrait aux clubs anglais de se mesurer aux grands européens et éviter le risque de perdre des millions en cas d’élimination précoce en Champions League. Ce serait une sorte de compensation.
Ainsi ce ne serait pas réellement une rivale de la Ligue des Champions, mais plutôt la fin de la Ligue Europa, sous la forme d’une compensation économique. L’Épouvantail souhaitait visiblement en finir assez rapidement avec la conversation et enchaîna.
– Tu te souviens lorsqu’United sous l’ère Moyes n’était pas qualifié en Champions League ? Et bien le club avait imaginé un système de tournoi rémunéré pour compenser le manque à gagner. L’idée initiale était de faire payer plusieurs millions d’euros le match et le faire jouer dans un endroit du monde à la manière des matchs de boxe de l’époque Mohamed Ali.
– C’était un moyen de compenser le manque à gagner de l’absence de qualification en Ligue des Champions, oui…
– Exactement, cela représente 40 ou 50 millions d’euros en moins dans un budget et surtout un argument en moins pour garder des joueurs ou maitriser le marché des transferts, coupa l’Épouvantail.
The Mole en avait assez entendu et souhaitait parler affaire avec l’Épouvantail et décida de poser une dernière question.
– Comment a été acceptée l’idée de Stephen Ross par les clubs anglais ? Car tout le monde parle de cette réunion, mais pas de ce qu’il en a été pour finir.
Esquisse d’un sourire et une dernière gorgée, The Mole regardait son vis-à-vis, alors que lui-même n’avait quasiment pas touché son verre. Se réservant pour la fin de cette conversation qui était un sujet de tension visible. Brulant même.
L’Épouvantail regarda autour de lui, par réflexe, car il n’y avait personne en milieu d’après-midi dans le salon The Promenade. Seul un couple plus loin, les yeux dans les yeux. Un homme d’affaires et son assistante qui avait dû être choisie pour ses qualités de plaisir des yeux et de potentiel de plaisir. La jeune femme souriait et prenait des notes en dévorant du regard l’homme en face d’elle.
The Mole souriait et secoua la tête. La nature humaine dans les affaires avait oubliée la morale. Le pouvoir, du moins ce qu’il représente, est un simple reflet de réussite. Un effet miroir pour en retirer de la confiance en soi. Si cela pouvait aider l’homme d’affaires et son assistante à progresser…
– United et Liverpool ont immédiatement dit oui, Arsenal et City laissent la porte ouverte…Chelsea est resté neutre dans l’histoire.
– Bien, donc les grandes manœuvres dans le football débutent réellement estima The Mole à haute voix en buvant pour la première fois une gorgée de son Whisky.
– Exactement mon cher. Il est donc temps que nous parlions business.
Le sourire de l’Épouvantail avait disparu. Les choses sérieuses pouvaient commencer. Le premier jour du fléau.
The Mole est un essai à la frontière de la fiction et de la réalité. Les personnages ou les lieux sont empruntés au réel, mais les situations de jeu relèvent de l’imaginaire et s’inspirent de l’actualité sportive, du moment. La vraie…
Plus d’infos et de chapitres précédents de The Mole, la série de Sportune