C’est en ce moment, Porte d’Auteuil, sur les courts de Roland-Garros, la fête du tennis en France. Mais également, pour les équipes de Baoblat, partenaire de 49 joueurs et joueuses du tableau dont la légende de la terre-battue, Rafael Nadal, une charge de travail particulière. Qui sont ces ambassadeurs et comment sont-ils recrutés ? Quel rôle joue-t-il auprès de la marque ? Ou encore, la place de Babolat sur le segment du tennis et de plus en plus, du padel ? Autant de questions que Sportune a posé à Jean-Christophe Verborg, directeur marketing monde, de l’entreprise sis à Lyon…
En tant qu’entreprise française, sponsor des meilleurs terriens du moment (Nadal, Alacaraz…), cette quinzaine de Roland-Garros est-elle pour vous un rendez vous majeur de la saison ?
Jean-Christophe Verborg : Il y a plusieurs rendez-vous majeurs chez les pros, mais il est vrai que Roland-Garros reste l’un des tournois importants de la saison. C’est une compétition qui est très difficile à gagner, très physique. C’est un grand chelem qui a lieu en France, c’est donc un rendez-vous incontournable. Quand nos joueurs réussissent à Roland, nous sommes bien évidemment très contents. Il s’agit du Grand Chelem que l’on a le plus gagné, avec Rafael Nadal bien sûr, mais aussi avec Li Na, Francesca Schiavone, ou Garbine Muguruza. En plus d’être une entreprise française, le tournoi mobilise également beaucoup d’équipes, ce qui accentue la portée de l’évènement.
Qu’est ce qui fait un bon Roland-Garros pour vous ?
Jean-Christophe Verborg : En premier lieu, le sportif. Je savoure sur cette édition 2022 que Rafa soit là, mais aussi le fait qu’il y ait une jeune génération de talents, comme Carlos Alcaraz, Holger Rune, Felix Auger-Aliassime, ou encore Leylah Fernandez. Ce sont des jeunes qui gagnent de la bonne façon, avec la bonne attitude et les bonnes valeurs. Ça se voit qu’ils se font plaisir sur le court. Ce sont des personnalités très importantes pour nous, et cela va au-delà du sportif. Pour ce qui est de nos équipes, ce Roland-Garros permet de revoir enfin les agents, les joueurs et les coachs dans des conditions normales. Cela n’est pas arrivé depuis très longtemps. Les deux dernières éditions ont été difficiles, mais cette année, tout redevient comme avant. En termes d’hospitalités, c’est plus simple. Roland, c’est la fête du tennis, donc être sans restriction, c’est du bonheur.
Que pèse Babolat sur le marché du tennis ?
Jean-Christophe Verborg : Nous sommes vraiment une marque leader du marché du tennis. Nous avons eu une croissance historique de +40% en volume sur le tennis, avec une raquette de tennis Babolat vendue toutes les 20 secondes dans le monde. La croissance est également incroyable en padel, sport qui est en pleine essor. La volonté d’Eric Babolat est que la marque soit perçue comme la numéro 1 des amoureux du tennis et des sports de raquettes, et nos joueurs font partie de cette stratégie.
La raquette, est-elle le produit numéro 1 pour Babolat sur le marché ?
Jean-Christophe Verborg : Oui. Cependant, il ne faut pas oublier que la marque a été créée en 1875, par Pierre Babolat, mais ce n’est qu’à partir de 1994 que Babolat a commercialisé des raquettes. Si l’on met ça en perspective à la création de notre marque, alors cela semble très récent. Cette décision a été bénéfique, car elle a permis à l’entreprise de passer d’un B2B (Business to Business), avec nos machines et nos cordages, à un B2C (Business to Consumer). La raquette a donné une visibilité mondiale à la marque, ce qui a contribué à son développement.
Qu’est ce qui fait un bon ambassadeur aujourd’hui ?
Jean-Christophe Verborg : Il y a plusieurs critères que l’on prend en compte. Il y a celui de la performance, mais pas de n’importe quelle façon : « Quelles sont les valeurs, les émotions et les qualités que portent nos joueurs, pour que tous les gens qui aiment Babolat aient envie de s’y associer ? » Voilà notre cheminement de réflexion. Mon métier est compliqué car, très souvent, nous cherchons des enfants qui ont 11 ou 12 ans, et nous devons nous projeter sur une décennie, pour se dire : « Quelle est leur personnalité ? Qu’est ce qu’ils véhiculent ? Est-ce qu’ils sont en mesure de gagner ? ». Si nous voulons être visible, il faut nécessairement gagner, mais le charisme d’un joueur, sa capacité à générer de l’émotion, et à proposer un tennis de qualité sont des facteurs cruciaux.
Combien d’athlètes a Babolat sous contrat ?
Jean-Christophe Verborg : Nous avons à peu près 120 joueurs en contrat international. Cela va de jeunes qui ont 10 ans à Rafael Nadal, qui est notre élément le mieux classé sur le tour. On ne cherche pas tant la quantité, mais la qualité.
Et combien sur ce Roland-Garros ?
Jean-Christophe Verborg : On avait 29 hommes et 20 femmes dans les tableaux principaux. En ce qui concerne les juniors, 9 garçons et 9 filles ont pris part à la compétition. Cependant, pour nos meilleurs jeunes, dans la majorité des cas, ils préfèrent privilégier le circuit professionnel aux compétitions jeunes, dans une démarche plus long-terme.
Comment recrutez-vous les ambassadeurs ? A l’image d’Alcaraz que vous avez repéré dès l’âge de 10 ans, est-ce une réalité du marché de recruter aussi jeune ?
Jean-Christophe Verborg : Au lancement de nos raquettes, en 1994, la marque a été reconnue pour ses cordages, mais la crédibilité de nos raquettes a nécessité un peu de temps. Il a fallu convaincre quasiment joueur par joueur. C’est à ce moment que nous nous sommes dit : « Quitte à prendre du temps, construisons notre team du futur ». Nous sommes allés assister à des tournois de jeunes (les Petits As, l’Orange Bowl, etc..), et c’est là que nous avons repéré des jeunes, comme Rafael Nadal. C’est comme ça que nous construisons notre équipe, mais cela ne nous a pas empêché d’avoir des Andy Roddick, Carlos Moya, ou Kim Clijsters. Aujourd’hui, la situation est bien différente. Toutes les marques de raquettes se battent pour avoir les meilleurs talents. Chez Babolat, le but n’est pas de verrouiller un talent le plus tôt possible, mais surtout de construire une vraie histoire. Il y a une nécessité de s’associer à un projet humain et un projet produit. Nous ne faisons pas de sponsoring, mais du partenariat de longue durée. Ce qui n’empêche pas de signer des joueurs sur le tard. Par exemple, Jo-Wilfried Tsonga, nous l’avons recruté en 2010, alors qu’il était déjà dans le top 10 mondial. Dominic Thiem, pareil. Il était 75e mondial quand nous nous sommes associés avec lui.
Quelle est la dernière pépite recrutée par Babolat ?
Jean-Christophe Verborg : Il y en a quelques unes, mais en Asie, un marché important pour nous, il y a un jeune joueur chinois du nom de Juncheng Shang, qui a un très bon potentiel. Il a 17 ans, et il est 401e mondial. Il fait partie des éléments qui pourrait jouer Roland-Garros junior, mais il est dans une démarche sénior. C’est un profil que nous aimons : gaucher, talentueux, humble… Après, c’est à lui de fournir les efforts nécessaires, pour réussir au plus haut niveau.
Y-a-t-il une hiérarchie en termes de visibilité chez vos ambassadeurs ?
Jean-Christophe Verborg : Le traitement du 70e mondial va être le même que celui qui est numéro 1. Après, Rafael Nadal prend une place qui est considérable de par son palmarès, mais l’expertise et le suivi va être le même pour chacun des 120 joueurs. Babolat est une équipe, mais le tennis un sport individuel, et c’est en fonction des résultats, que les joueurs vont prendre une place plus importante. Rafa étant l’un des plus grands sportifs de tous les temps, il est normal qu’il ait une place importante dans notre team. Il ne faut pas se freiner d’activer sa légende. La gestion d’un « monstre » de son genre est bien entendue spécifique, mais ça ne veut pas dire que nous traitons moins bien les autres.
Quel est leurs rôles auprès de la marque ?
Jean-Christophe Verborg : Nous devons toujours s’inspirer de ce que nous disent les joueurs pour trouver une solution. En parallèle de ça, Babolat a des équipes d’ingénieurs, et de recherche et développement qui innovent, afin de proposer des nouveautés aux joueurs. Par exemple, en 2009, une année compliquée pour Rafa. Toni Nadal (son coach à l’époque, ndlr) vient nous voir pour nous dire qu’il fallait changer quelque chose. A ce moment là, je savais que le marketing produit avait un cordage en développement. On a alors un besoin chez le joueur, ainsi qu’une nouveauté sur un de nos produits. Et de là est parti le développement, puis le lancement du RPM Blast que Nadal va adopter. Donc l’échange permanent permet d’avancer dans la bonne direction. On communique également avec eux sur les designs. Cameron Norrie était à l’entreprise lors de la semaine de Lyon (14-21 mai) pour des histoires de cosmétiques. Cela va être la même chose pour Dominic Thiem. On a besoin de leur feedback pour leur permettre de se sentir à l’aise sur le court. Pour être efficace, c’est également très important qu’on les connaisse depuis longtemps. Il n’y a pas 15 000 moments dans l’année pour effectuer des tests, donc on se doit d’être efficace quand les joueurs ont besoin de changements.
Propos recueillis par Nicolas Toison