Le vent frappait la baie vitrée de l’appartement de l’Hôtel Kempinski de Genève. Les gouttes de pluie coulaient lentement le long des fenêtres. Le ciel était sombre, le mois de janvier se terminait comme une fin d’automne. The Mole recevait son ami journaliste d’investigation, Steven Cornell. Ce dernier travaillait pour le site néerlandais Aeonline.com et s’était spécialisé dans la course automobile depuis quelques années. Comme un péché mignon.
Steven était un homme de taille moyenne, mince, les yeux verts et le sourire ravageur. Son sens aiguisé de l’analyse le poussait dans des directions souvent périlleuses, mais passionnante pour le lecteur ayant soif de vérité.
The Mole percevait depuis un moment un désir d’ailleurs envers son ami journaliste. L’investigation est un métier usant et une maitresse douloureuse. Steven Cornell avait perdu son âme sœur dans une enquête il y avait bientôt trois ans. Il ne s’en était jamais véritablement remis. Plongeant toute ses forces dans le travail pour tenter de survivre.
D’exister plutôt, songeait The Mole.
Posant sa tasse de thé vert, Steven stoppa les banalités.
– Tu te souviens de ton projet de reprise de la Formule 1 et d’une équipe ?
The Mole esquissa un sourire. Bien sûr qu’il s’en souvenait. L’affaire Concorda. Le président de la Fédération Internationale du Sport Automobile, Tom Howard avait mis en place un complot dans le but d’obtenir les droits commerciaux de la discipline reine du sport automobile, avec comme véhicule de son ambition The Mole en personne. Le projet indiquait une reprise d’une part importante de la société GPOne et la reprise d’une équipe pour injecter jusqu’à 300 millions d’euros par année. Cette opération avait été un échec, mais un formidable coup de communication pour The Mole, qui hocha la tête.
– Est-ce que cela t’intéresserait de reprendre une équipe aujourd’hui ? continua Cornell.
The Mole resta interdit. Depuis plusieurs semaines, ses activités avec sa société Gray Ghost dans le Football l’avait détournée de l’actualité des autres sports. La présence de Cornell était une manière de rattraper son retard.
– Pourquoi les vannes sont désormais ouvertes dans le paddock ? s’amusa The Mole
Steven Cornell éclata de rire.
– En réalité, l’équipe indienne est en difficulté. L’un de ses actionnaires est en prison depuis 2014 pour « phobie administrative de plusieurs milliards ». Steven marqua les guillemets avec ses doigts. Depuis sa société vends ses actifs, hôtels, maisons et participations dans le sport. Il doit réunir 1,5 milliards de dollars pour payer sa caution et sauver ce qu’il lui reste de son empire financier.
The Mole nota qu’il y a avait des actifs immobiliers et jura d’aller y jeter un coup d’œil prochainement.
Steven Cornell développa son exposé
– L’équipe indienne est détenue par un homme d’affaire assez iconoclaste, mais qui a des soucis avec sa compagnie aérienne. Il a été obligé lui aussi de vendre ses actifs. En Inde la crise bancaire couve. C’est un peu comme en Espagne, mais avec la dérive qui va avec. Il y a eu énormément de prêts accordés dans le domaine immobilier, mais non pas pour développer les habitations dans le pays, mais pour acquérir des biens à l’étranger. Aujourd’hui la Banque Centrale Indienne demande des comptes aux établissements du pays et c’est le temps de payer les traites.
– Donc l’équipe est à vendre si je comprends bien ? coupa The Mole l’air peu intéressé.
– Il y a eu un projet de reprise via le groupe de spiritueux Diageo, mais c’était une sorte d’échange d’actions pour maintenir le prix de vente de l’empire de l’homme d’affaire iconoclaste. Pour rendre l’ensemble plus joli, une marque de voiture de sport a été démarchée. Le projet était simple : la majorité pour le groupe Diageo, 15% pour l’homme d’affaires, 15% pour le troisième actionnaire et 10% pour la marque de voiture de sport, qui prête son nom à l’opération. Sauf que les prix sont trop élevés. On parle de 130 millions d’euros de valorisation.
– Le souci de cette équipe est qu’elle n’a pas de sponsors et que sa valeur ne réside que dans les murs de son usine à Silverstone. Elle vaut à peine 50 millions d’euros à la louche ou le prix qu’elle touche des droits TV, finalement sa seule valeur, estima The Mole.
Steven Cornell acquiesça.
– Exactement, les sponsors sont les entreprises de l’homme d’affaires et son associé en prison. Le reste provient indirectement de la présence du pilote mexicain.
The Mole songea à une redistribution des cartes. Il savait qu’il allait développer son empire sportif prochainement et un projet football / Formule 1 était une entreprise des plus séduisantes. Mais hautement risquée.
– Que proposes-tu Steven ?
– Je propose que tu fasses une sortie médiatique, par intérêt pour la reprise de cette équipe. Je sais que tu vas te développer dans le football, mais cela pourrait être un bon moyen de te faire une image dans le monde du sport, non ?
The Mole était d’accord avec cette suggestion. Déclarer son intention ne signifie pas forcément d’acheter. Un bon moyen de contourner l’attention sur le développement de sa société Gray Ghost.
Satisfait par cette perspective, le plan de communication Orange Mécanique pouvait être lancé.
A suivre…
The Mole est un essai à la frontière de la fiction et de la réalité. Les personnages ou les lieux sont empruntés au réel, mais les situations de jeu relèvent de l’imaginaire et s’inspirent de l’actualité sportive, du moment. La vraie…
Plus d’infos et de chapitres précédents de The Mole, la série de Sportune