Coté pile, il y a l’agent de footballeur. Le vrai, depuis 11 ans, licencié à la Fédération française de football. Coté face, il y a l’imposture. Et à chaque fois Thomas Buanec à l’image. Bien malgré lui, dans le deuxième cas, car dirigeant de l’agence 442, il est victime de l’usurpation de son identité professionnelle. Parce que le foot fait fantasmer, des escrocs en profitent pour proposer de faux essais, à de jeunes sportifs dupés. Cela fait des années que cela dure et Thomas Buanec est au moins aussi agacé, qu’impuissant face à la situation. Il nous raconte…
Comment avez-vous découvert l’escroquerie ?
Thomas Buanec : Quelqu’un m’a appelé pour savoir comment ça se passait, maintenant qu’il avait envoyé l’argent, pour l’organisation d’un essai à Tottenham. Il m’a demandé s’il parlait bien à Thomas Buanec. Je lui ai dit : « oui ». Et là j’ai compris. Il m’a ensuite envoyé ses échanges et les pièces fournies…
C’était quand ?
Thomas Buanec : Le 1er dépôt de plainte, c’était un premier novembre 2014.
Depuis, vous en avez déposé beaucoup ?
Thomas Buanec : Une ou deux, mais après j’ai arrêté. Sinon j’y suis tous les deux jours.
« Ils prennent les images d’un agent, y ajoutent le nom d’un autre et l’associent à une société, qui ne correspond ni à l’un, ni à l’autre »
Vous dites ne rien pouvoir faire…
Thomas Buanec : Ceux qui le peuvent, ne le veulent pas. Le problème vient des réseaux sociaux. On signale les comptes, mais ils n’en font rien, parce que ce n’est pas contraire à leur règles d’utilisation. Donc ça continue.
Et le monde du football, peut-il intervenir ?
Thomas Buanec : A part communiquer et prévenir ; les pauvres, ils ne peuvent pas faire grand-chose de plus. Comme nous. Tant qu’on ne va pas à la source du problème, c’est compliqué.
Pourquoi êtes-vous ciblé ?
Je n’en sais rien du tout. Mais je ne suis pas le seul, d’autres confrères sont aussi dans le même cas.
Comment fonctionne l’escroquerie ?
Thomas Buanec : Souvent, ils prennent les images d’un agent, y ajoutent le nom d’un autre et l’associent à une société, qui ne correspond ni à l’un, ni à l’autre. Ils brouillent tout comme ça, ils cherchent à crédibiliser leur propos avec des images et des gens qui ont pignon sur rue, et qui sont stables dans le métier. Et après ils demandent – en général -, une centaine d’euros, pour faire un essai. Comme les sommes sont basses, les gens ne portent pas plainte. Parfois, il arrive que cela continue, que ça réclame 200 euros pour un visa, 300 pour un billet, un peu encore pour l’hôtel… Certains arrivent à se faire arnaquer de deux, trois mille euros. Pour les gamins c’est horrible.
« Si on faisait un essai à Tottenham ou à City pour 90 euros, tous les matins, il y aurait 500 personnes devant le centre d’entraînement »
Justement comment le vivez-vous ?
Thomas Buanec : C’est toujours désagréable d’avoir des « gugus », qui font n’importe quoi avec votre travail. Maintenant je m’y suis habitué. Malheureusement. Personnellement, cela ne me cause pas un énorme préjudice, si ce n’est du temps que je prends pour informer. Après plusieurs personnes m’ont dit : « Quand même, j’avais des doutes ». Alors pourquoi tu envoies l’argent ? Un agent français, pour faire un essai en Angleterre, avec une société aux Pays-Bas et de l’argent envoyé en Western Union au Cameroun… les indices sont là! Mais d’un autre côté, on me dit : « Pour 90 euros, l’opportunité était trop belle ». Si on faisait un essai à Tottenham ou à City pour 90 euros, tous les matins, il y aurait 500 personnes devant le centre d’entraînement. Comme toute arnaque, c’est souvent la victime qui a plus honte que le coupable, donc personne ne va porter plainte.
Qu’en disent vos confrères dans votre situation ?
Thomas Buanec : Pour eux c’est la même chose, ils sont allés porter plainte une première fois, aussi pour se protéger. Après, on essaie de les contacter (les usurpateurs, ndlr), pour leur dire que la police est prévenue. J’ai échangé avec des mecs, sur des numéros français.
Vous les avez contacté directement ?
Thomas Buanec : Ça m’est arrivé, quelqu’un m’a donné le numéro, je l’ai appelé.
Il vous a dit quoi ?
Thomas Buanec : Au début il était arrogant et après il ne répondait plus. Ils s’en foutent. Moi ce que j’aimerais bien savoir, c’est combien ils ont pu ramasser depuis tout ce temps ? Il y en a un « Pascal Carbon », il a près de 9 000 followers sur Instagram. C’est n’importe quoi.
Et les réseaux sociaux ne font rien…
Thomas Buanec : A chaque fois on essaie de signaler, mais eux nous répondent que c’est parfaitement en accord avec leurs standards. A mon sens, tant que les plateformes ne vont pas lutter contre, cela ne va rien solutionner. Vous avez des comptes qui ont 5 ans. Ça donne une vraie crédibilité. Même si les followers sont probablement achetés…