Deuxième volet de notre entretien avec le biathlète de l’équipe de France, Fabien Claude. Après la partie communication et visibilité, celle des sponsors et de la reconversion. Même s’il est encore tôt pour le Vosgien d’y penser, car il a à l’esprit la prochaine olympiade (en 2026 à Milan et Cortina d’Ampezzo) en tête, avec l’espoir d’y décrocher une médaille. Et si possible celle de l’or. Pour y parvenir, il faut faire les bons choix et ne pas se laisser guider seulement par l’aspect financier. Quand bien même une carrière sportive peut-elle être courte. Fabien Claude nous explique pourquoi…
Aujourd’hui ce sont les prize money qui vous font vivre ?
Fabien Claude : Oui, les prize money et aussi les sponsors.
Quels sont justement vos sponsors ?
Fabien Claude : Je suis militaire, donc je cours sous les couleurs de l’armée. Je vais défiler le 14 juillet à Paris cette année, ça permet de remettre les pieds sur les terres. J’ai Roy Energie, une entreprise de panneaux solaires, Chelles Voyage, qui est une agence des Vosges, et les transports Mauffrey, une boîte locale dans les Vosges. Ensuite, il y a toutes les collectivités, la région grand Est, le conseil régional, qui me soutiennent depuis mes années lycées. Sans eux, je n’en serais pas là aujourd’hui.
Comment se traduisent ces partenariats ?
Fabien Claude : Ça dépend, il y’a plusieurs types de partenariats. Nous sommes limités par la Fédération internationale et nationale, nous ne pouvons pas afficher tout et n’importe quoi, il y a des emplacements avec des tailles précises. Nous avons aussi des partenaires privés, tels que les montres, qui vont développer tes activités à coté, mais pas pendant la course.
Qu’en est-il des skis ?
Fabien Claude : Je suis avec Rossignol, une marque française. C’est important pour moi d’être très proche d’eux, pour avoir des adaptations matérielles. Le matériel, c’est au moins 30% de notre performance. Quand ça marche, on a souvent envie de dire : « j’ai été bon », et dans le cas inverse, on a l’impression que le matériel prend une part incroyable.
Rossignol vous soutient financièrement ?
Fabien Claude : Oui, oui. Nous sommes soutenus financièrement par les équipementiers. Après il faut voir le contrat, la marque etc. Il faut aussi partir du principe que le matériel est tellement primordial pour faire une performance, et vraiment peser le pour et le contre. J’ai vu des athlètes faire des erreurs, tu vas sur une marque parce qu’ils te proposent un peu plus. Et finalement tu n’as pas du bon matos, tu ne fais plus de bonnes performances, et du coup tu perds tes partenaires. C’est une cascade. C’est de la réflexion qui est faite à près tous les deux ans, parce que les contrats sont souvent signés sur deux ans. Tu peux avoir des contrats sur un an, sur quatre ans, mais l’avantage de deux ans, pour moi, c’est que tu peux avoir une lisibilité sur le temps.
Depuis combien de temps êtes- vous chez Rossignol ?
Fabien Claude : Cela fait quatre saisons, je vais jusqu’à la prochaine. Et j’espère plus. Il y a une volonté de continuer de ma part, le service et le matériel sont incroyables. Le fait de pouvoir échanger sur plein de paramètres avec des gens passionnés et des Français qui plus est… Quand tu vas dans les usines, à Voiron à côté de Grenoble et que tu vois le nombre de personnes dévouées au service course ; il y a un respect pour les gens de l’ombre qui travaillent pour te donner des bons skis.
Vous avez tous des marques différentes en équipe de France…
Fabien Claude : Il y a Rossignol, Fischer et Salomon, ce sont les trois marques principales et chacun y trouve son compte. Avant j’étais Fischer, mais j’avais du mal à communiquer, j’avais besoin d’un service et avoir de la proximité. Rossignol avait aussi besoin d’un athlète. L’idée c’est aussi de pérenniser la chose dans le temps.
Rossignol vous met en avant?
Fabien Claude : Oui, mais il n’y a pas que les biathlètes. Il y a des skieurs de fond, des alpins, des gens qui font du ski de bosses. On essaye souvent de se réunir, mais les plannings des athlètes sont très chargés. Pour se dégager un ou deux jours, faut vraiment le faire en amont, parce qu’on est à droite à gauche. Mais je suis jeune, c’est maintenant qu’il faut faire ce genre de choses.
Et vos frères, sont-ils aussi chez Rossignol ?
Fabien Claude : Mon petit frère nous a rejoint cette année. C’est une belle histoire, on essaye de partager à trois, nos partenaires. C’est plus intéressant pour l’image de marque, la communication qu’ils peuvent faire.
C’est une force ?
Fabien Claude : Clairement. Nous avons une histoire assez forte avec le décès de notre père, il y a trois ans. Mon premier podium est arrivé le lendemain. Notre histoire est assez forte et a pour habitude de réunir les gens autour. C’est important pour nous de rendre ça et d’en profiter pour dire que nous sommes peut être au début d’une belle histoire.
28 ans, c’est la force de l’âge dans le biathlon?
Fabien Claude : Ouais, ce cycle olympique va être vraiment incroyable. Je suis partie sur quatre ans qui vont être mes plus belles années. J’ai tout, l’expérience, les capacités physiques et mentales, donc maintenant on y va.
N’est-ce pas un peu dur, d’avoir tantôt un Martin Fourcade, tantôt un Johannes Boe, pour athlètes ultra-dominants ?
Fabien Claude : Bien sûr, mais c’est comme dans tous les sports. Il y a toujours des extraterrestres. Frustrant, non, motivant oui. Parce que ce sont ces gens là, qui sont « les têtes à abattre », entre guillemets. Mais dans l’idée, tu sais qu’avant le départ, t’as deux places voire, une place sur le podium seulement, parce qu’un mec comme Laegreid a été énorme aussi. Ils sont tout le temps sur les podiums, donc pour aller les déloger, ça demande d’être hyper compétitif.
L’an prochain il y a les J.O à Paris, pour vous cela va représenter quoi ?
Fabien Claude : Pour nous, c’est trop bien. On voit qu’en France il y a eu des budgets débloqués par rapport à ça, il y a une « hype » autour qui est hyper intéressante. Après, parfois les gens font des mélanges et nous disent : « Ah mais du coup, tu prépares les J.O à Paris 2024 ? ». Ben non malheureusement, j’aimerais bien, ça fait rêver les Jeux en France, surtout après les derniers Jeux que nous avons vécu pendant la période covid, où nous étions cantonnés à nos plexiglass. Ça va être une grande chance pour les athlètes qui iront et une super expérience de vie.
Et vous, vous allez les suivre ?
Fabien Claude : Oui on va les suivre, je pense que je vais essayer d’y aller sur des évènements. Ça tombe l’été, un moment très chargé en entraînement, pour nous. Il faudra trouver une semaine de récupération, on en aura au moins une au mois de juillet. Et durant cette semaine de récupération, essayer de pouvoir y aller, en fonction des sports, des partenaires que nous aurons là-bas. Des places qu’on pourra trouver aussi, car elles sont chères et partent très vite. Ma copine a bien envie d’y aller aussi.
Elle aussi est-une sportive ?
Fabien Claude : Elle est sportive, oui. Elle n’est pas Française mais Espagnole et ça la motive bien d’aller voir les Jeux en France.
Martin Fourcade va monter sur les planches (il lance son One Man Show, ndlr), avez-vous déjà le projet de reconversion en tête ?
Fabien Claude : Oui, depuis que nous sommes jeunes, on nous en parle. J’ai une licence en STAPS. j’ai deux DE (diplôme d’Etat, ndlr) : un de ski alpin et un de ski de fond. Je pense que de toute façon je graviterai autour du sport. Donc je suis content de venir à ce genre d’événement (le Sismix de Winamaw, ndlr), parce que cela permet de voir d’autres choses, de discuter avec plein de gens et prendre des contacts. Je ne suis pas du tout inquiet pour ma fin de carrière, de toute façon j’ai encore du temps pour la préparer, je ne compte pas arrêter tout de suite… Mais Martin, qui passe en one man show, ça m’a un petit peu surpris au début, parce que je n’étais pas du tout au courant.
Il ne vous l’a pas dit ?
Fabien Claude : Il l’a dit à certains avec qui il est un peu plus proche. Mais apparemment, ça fait vraiment longtemps qu’il le prépare, ce n’est pas venu sur un coup de tête. J’ai hâte de voir s’il va réussir à faire rire les foules. C’est un beau défi qu’il se lance, c’est tellement atypique comme truc, un sportif qui se lance là-dedans, à travers son expérience, car je crois que le but c’est de raconter sa vie en humour. Ça va être intéressant de voir ce que ça donne.
Et pour vous, il n’y a pas de début, des entreprises, des..
Fabien Claude : (Il coupe) Si bien sûr, tous les partenaires que j’ai cités. Ce sont des personnes avec qui on a de super relations, qu’on peut être amené à rejoindre dans le cadre de séminaires à animer. Les opportunités, il y en aura, c’est un peu comme dans le biathlon, il faudra les saisir. Et je ne suis pas du tout inquiet pour ma reconversion.
La retraite pour vous, vous l’imaginez à quel âge ?
Fabien Claude : Après les Jeux, j’aurais 31 ans. Je pense qu’après elle se posera, mais pour moi j’ai envie d’aller encore plus loin. Je ne sais pas si je suis capable de faire deux olympiades. Une, je suis sûr, et la deuxième, je verrai bien.
La médaille olympique est un dans un coin de la tête, mais quid du gros globe de cristal,
est-ce aussi un objectif de carrière ?
Fabien Claude : Ça l’est, oui. Mais ça me paraît plus lointain. Aujourd’hui je ne sais pas si j’en suis capable. Être champion olympique, je pense en être capable. Sur une course, au top de ma forme… Je travaille pour ça, après un globe, je sais pas, les objectifs évoluent très vite. J’espère que dans deux ans j’aurais un autre discours, mais pour le moment, ce n’est pas le plan que j’ai en tête. J’ai envie de faire plus d’impasses dans la saison, pour des fois préparer plus un évènement. Et si tu joues un globe, tu ne dois pas faire d’impasses. Dans ma tête, je ne suis pas projeté par rapport à ça.
Qu’est ce qui a le plus de saveur le Globe ou les Jeux Olympiques?
Fabien Claude : Pour moi, une médaille olympique. En termes d’émotions, je crois que c’est ce qui parle à tout le monde c’est ce que tous les sportifs recherchent. Après par contre sportivement, gagner un Globe de cristal c’est plus fort qu’une médaille olympique, parce que t’as été le meilleur toute la saison. T’es le numéro un dans ton sport, alors que tu peux être champion olympique en étant numéro 10.
Mais le grand public retient plus facilement le champion olympique…
Fabien Claude : Exact. Gagner un titre olympique, c’est encore différent. J’ai plus d’envie de tout miser sur une médaille olympique, que sur la régularité. Même si j’ai plus le profil de la régularité, que quelqu’un qui claque une course ou deux dans la saison et qui redescend.