« You’ll Never Walk Alone » (Tu ne marcheras jamais seul). Ça paraît moins probable, d’appliquer le refrain le plus mythique du football britannique au monde du poker, il n’existe pourtant pas de performance individuelle sur la longueur, sans un bon encadrement autour. Stéphane Matheu en est l’exemple, lui qui dirige le team Winamax, probablement le plus costaud du monde à l’heure actuelle. Rien ne prédestinait cet ancien tennisman pro à embrasser l’univers du jeu, des cartes et des croupiers, jusqu’à une improbable rencontre en 2005, avec un certain Gus Hansen ; l’un des joueurs les plus mystiques et légendaires de sa génération.
Ancien tennisman professionnel, ex-285e à l’ATP
« C’est une très longue histoire », explique à Sportune Stéphane Matheu, anciennement 285e mondial à l’ATP, qui se la remémore avec délectation. Résumée succinctement, Hansen l’a un jour de 2005 convié à disputer un match de tennis à handicap pour le Français, qui devait jouer à cloche-pied. Contre la promesse du Danois de verser 1 000 dollars à son adversaire, s’il le dominait. Finalement, le match ne s’est pas fait, mais les deux hommes ont sympathisé et c’est ainsi qu’Hansen a introduit Stéphane Matheu, dans le monde qui est le sien.
De coach sportif et soutien moral du Danois, Matheu a poursuivi l’apprentissage auprès d’une autre des stars de la discipline : son compatriote Bertrand Grospellier, alias Elky sur les tables de poker. « A l’époque j’habitais avec Fabrice Soulier qui est aussi une star. J’ai rencontré Elky sur un tournage, il venait de gagner le tournoi PCA (PokerStars Caribbean Adventure) et commençait à être médiatisé, mais il faisait un peu n’importe quoi. Cela faisait deux ans que je mûrissais l’idée. A la fin des World Séries 2008, j’ai quitté Las Vegas pour partir avec lui sur le circuit. J’ai bossé un an et demi à ses côtés, ça a été incroyable. En janvier 2010, Winamax qui avait déjà son team pro, avait besoin d’un nouveau manager. Et comme j’étais le seul sur ce créneau là, ils sont venus me voir. Ça a été dur d’arrêter avec Bertrand, mais Winamax me proposait de faire la même chose, non plus avec un seul mec, mais quatorze personnes, à une échelle différente et avec tout un tas de nouveaux défis… Finalement j’ai commencé avec eux le 5 mai 2010. »
Devenu manager du team pro Winamax en 2010
Et voilà comment depuis, il dirige toujours le collectif de l’opérateur français. Son rôle, Stéphane Matheu le définit ainsi : « Je suis manager du team pro. Je suis l’interface entre tous les joueurs et Winamax, je m’occupe du recrutement, des contrats, de la comptabilité, du budget, des RP (relations presse), de la promo, du planning de tout le teamp pro… Ça c’est la partie management, elle est très administrative et business. Je voyage aussi avec les joueurs et je fais du coaching mental, pour l’autre partie de mon travail. » Son job, il l’a vu et fait évoluer avec les années. Sa réflexion sur le sujet également. « Il y a quinze ans, je pensais qu’il n’y avait pas d’âge idéal pour réussir une carrière au poker. Désormais je dis le contraire. Depuis 7, 8 ans c’est devenu tellement intensif et pointu techniquement et psychologiquement, ça prend des ressources incroyables. L’âge moyen a considérablement diminué, les pros d’aujourd’hui ont majoritairement entre 25 et 35 ans. »
Son quotidien type, « c’est beaucoup d’ordi, car je m’occupe de gérer les inscriptions quand il y a besoin, faire de la communication, répondre aux demandes, planifier, faire des sondages pour les joueurs… J’ai au moins 3 à 4 heures par jour d’administratif. Et sur les tournois, plus les enjeux avancent et plus j’interviens sur la partie mentale, pour aider les joueurs à clarifier leurs objectifs. » En contrepartie, son employeur attend de lui qu’il donne « de la visibilité à la marque, avant tout par de la performance » de ses protégés.
Stéphane Matheu est un coach à temps plein. Mais pas sur la technique
En revanche, malgré ses quinze dernières années passées au plus près des meilleurs, il se refuse à commenter les mains de ses poulains. « Je ne me suis jamais positionné comme un coach technique. Comme j’ai la chance d’être au contact des plus grands du poker depuis quinze ans, je suis quand même plus compétent que la moyenne, je ne suis pas un champion, mais pas non plus un débutant. J’ai un avis, mais je ne le donne pas. J’ai jamais prétendu cela et quelque part, ça renforce ma crédibilité. Le poker c’est un truc où les gens surestiment leur niveau et se trouvent légitime à donner leur avis. A titre personnel je ne l’ai jamais fait au tennis, où pourtant je suis compétent, encore moins au poker. »
Quant à répondre à l’éternelle question de savoir si le poker est un sport, Matheu nourrit le débat, sans toutefois parvenir à le trancher complètement : « Non ce n’est pas un sport dans la dimension athlétique, tu ne gagnes pas parce que tu es plus costaud ou endurant, encore que l’endurance est quand même un facteur quand tu fais des journées de douze heures, parfois jusqu’à six jours consécutifs. Par contre, par rapport au haut niveau et la compétition, tous les aspects du sport sont là : les enjeux psychologiques, la pression, la gestion des émotions, devoir survivre dans un tournoi… Donc dans le sens cérébral et mental du terme, oui c’est un sport. » Parole d’ex-athlète professionnel…