N’est pas Kylian Mbappé qui veut. L’attaquant de l’équipe de France de football, qui vise sa participation aux Jeux Olympiques 2024 à Paris, n’a pas les mêmes contraintes financières que beaucoup de ses pairs athlètes professionnels. C’est souvent vrai pour les épreuves olympiques, ça le devient encore plus dans les compétitions paralympiques. Pour toucher le Graal d’une médaille, faut-il d’abord pouvoir assumer sereinement le quotidien, des jours qui les séparent du grand rendez-vous.
Le parabadminton n’a pas les ressources financières d’autres disciplines des Jeux
A 39 ans, Mathieu Thomas connait mieux que beaucoup, cette question problématique. Sa discipline, le badminton, n’est pas la plus médiatisée. En France tout du moins, car en certains pays d’Asie, le sport y est roi. C’est déjà là un énorme écueil à surmonter dans sa catégorie, face à des concurrents bien mieux soutenus que lui. « On ne part pas tous avec la même chose », détaille-t-il à Sportune. « Le badminton reste un sport asiatique. Il est des pays où la discipline est nationale. Un champion olympique ou paralympique il a quasiment sa retraite assurée. Je parle de l’Indonésie, de l’Inde aussi. Et si l’on compare en Europe, en Angleterre, il y a moins de joueurs dans l’équipe, mais tous sont payés un minimum de 3000 euros et tout est pris en charge. »
Un caractère dur au mal forgé par un cancer vaincu à l’adolescence
Lui n’a d’aides que de sa Fédération, solidaire, mais aux moyens trop limitées pour le soulager d’autre chose que d’une partie des dépenses. Hors JO, il n’y a sinon des primes que pour les tous meilleurs des épreuves olympiques. Mais aucune pour les paralympiques. Pour vivre pleinement de son sport, Mathieu Thomas a d’abord espéré obtenir le soutien de commanditaires du sport. « J’ai pris les services d’un agent, pour démarcher les sponsors. Ça n’a pas marché, on a travaillé pendant six mois. On a tout essayé. » Trop d’athlètes et pas assez de budgets, la tentative fut un échec. Mais celui qui a surmonté la douleur et la peine d’une tumeur cancéreuse au bas ventre à l’âge de 17 ans, en devant composer depuis avec une paralysie à la cuisse droite, n’est pas homme à se laisser abattre.
De la ressource, il en faut pour toucher le rêve paralympique. Mathieu Thomas n’en manque pas. Pour réussir, il a donc pris le problème dans l’autre sens. « Vu que je travaillais avant (il a été ingénieur, consultant dans le digital), que j’avais un lien entre le sport et le handicap, j’ai commencé à intervenir dans les entreprises en tant que conférencier. J’essaie de sensibiliser autour du handicap. J’offre aussi des initiations. » « La meilleure solution que j’ai trouvé a été de créer mon job. » Et voilà comment d’une pierre deux coups, il est devenu son propre patron.
Un budget de fonctionnement qui a gonflé depuis la Covid
L’activité lui a ouvert des portes inexploitées. Désormais, il a trouvé des sponsors pour le suivre et il entraîne aussi des mécènes dans son sillage. Cela permet à ce papa de jumelles, de trouver son équilibre, en s’entraînant quotidiennement au CREPS d’Ile de France, suivi par tout un staff à ses côtés, d’entraîneurs et de préparateurs, pour le mental et le physique. Plus deux alternants qui l’épaulent à la fois dans la recherche de sponsors et dans sa communication, via les réseaux sociaux, ou son site officiel. « J’ai vu avec les Jeux de Tokyo que j’ai loupé (il s’est classé septième quand les six premiers seulement se qualifiaient), que j’avais besoin d’avoir au moins une personne de mon staff en permanence à mes côtés, un peu comme un tennisman qui se déplace avec sa team. Je me suis beaucoup inspiré de cela.«
Mathieu Thomas rêve d’une médaille sans arrière-pensée pour la suite
Faut-il encore pouvoir l’assumer financièrement, car « cela multiplie par deux les dépenses », qu’il estime de 40 000 à 50 000 euros annuels, pour une fréquence d’un tournoi par mois à l’étranger. « Le budget a pris au moins 40 à 50% depuis le Covid », regrette-t-il d’ailleurs. En conséquence, il est forcé de mégoter sur le confort superflus. « Je ne dirai pas que je suis proche à tout compter, mais je fais attention. C’est ma nature, je suis comme ça. Par exemple je ne prends pas de vol direct. Aujourd’hui un vol Paris Tokyo A/R c’est 2 000 euros, alors qu’avant cela coûtait de 1 000 à 2 000 euros. Tu voles avec escales, ou de nuit pour éviter une nuit d’hôtel. Ce sont des petites économies », qui autorisent d’autres plaisir comme celui de profiter d’un jour ou deux en off dans les pays qu’il fréquente, pour découvrir l’environnement.
Car Mathieu Thomas n’oublie pas le privilège qui est le sien de vivre ce quotidien entre voyages, apprentissage, performance, dépassement de sois et ambition sportive. Lui que le sort n’a pas épargné à l’âge de l’adolescence ne boude pas son plaisir. D’ailleurs ne pense-t-il pas encore à ranger la raquette et le volant définitivement dans les placards. La retraite n’est pas entrée dans son vocabulaire.