Dans la vie des affaires, plus le succès est important, plus l’impression d’être aspiré par les hautes sphères du pouvoir se fait sentir. Mais lorsqu’un rival arrive sur le marché et que sans véritablement y prêter attention, on participe à son développement, cela se solde souvent sur un conflit économique. C’est le cas aujourd’hui entre Jorge Mendes et Doyen Sports.
18 Août 2011, l’Atlético de Madrid s’offre les services de Radamel Falcao pour la modique somme de 40 millions d’euros d’indemnités de transfert. Une belle opération pour son agent Jorge Mendes qui touche alors 10% du transfert. Mais le club n’a pas réellement l’argent. Les dirigeants madrilènes l’empruntent auprès d’une jeune société maltaise, à l’époque encore inconnue. Son nom : Doyen Sports. Les 22 millions d’euros déboursés sous forme de prêt par la société d’investissement, pour soutenir le transfert de Falcao, vont se traduire par une cession de 55% des droits économiques du joueur colombien. La machine est lancée.
Deux saisons plus tard, après une première proposition avortée avec le Real Madrid, Falcao officialise finalement sa venue à l’AS Monaco pour 60 millions d’euros versés à l’Atlético. Si Mendes touche près de 6 millions d’euros du transfert, Doyen en recevra 33. C’est le deal de trop pour le puissant agent portugais, qui ne verra plus dès lors la société d’investissement que comme un parasite. Falcao est son client, lui est agent agrée FIFA, c’est lui qui a réalisé les transferts mais selon les règles de la FIFA il n’a touché « que » 10% de l’indemnité du transfert. Tandis que Doyen, en tant que société d’investissements aidant les clubs économiquement sous la forme de prêt, récupère en échange des droits économiques sur les joueurs aidés. Tout ceci relève du trading pur, mais la situation du foot business est dans une dérive telle que l’émergence d’un opérateur financier, non affilié, est un don du ciel pour de nombreux clubs.
Deux ayants droit pour Falcao, c’est un de trop !
Pour le cas Falcao, il y a deux donc ayants droit. L’un est officiel, quand l’autre tire bénéfice de la situation. Cela va pousser Mendes à changer ses plans. Puisque Falcao est la tête de gondole de son nouveau rival, il va manœuvrer pour réduire la part économique de Doyen et mettre en place le prêt payant. Touchant certes 10% des transferts (il est l’intermédiaire négociateur), il va surtout recevoir 20% du salaire du joueur. Un schéma que l’agent portugais va appliquer plus tard au moment du prêt à 10 millions d’euros et une option d’achat fixée à 55 millions d’euros par l’AS Monaco à Manchester United, du joueur Colombien. Ce prêt n’étant pas un transfert, Doyen n’a rien touché dessus, au contraire de Mendes et surtout de l’AS Monaco qui a reçu 90% du montant. Pourtant le joueur appartient toujours à l’AS Monaco mais aussi à Doyen Sports, indirectement.
Manchester United n’ayant finalement pas souhaité débourser le prix du transfert négocié une année auparavant, Falcao a retrouvé le club du Rocher, avant de repartir, an Angleterre, pour un prêt de 5,7 millions d’euros et un important salaire. Encore une fois, c’est une belle opération pour l’AS Monaco qui aura gagné près de 15 millions d’euros en deux ans. Mais aussi pour Mendes qui lui aura reçu 4.97 millions d’euros au total. Et Doyen Sports ? Rien.
Doyen Sports gagne du terrain, Jorge Mendes riposte
Aujourd’hui, selon le site Transfermarkt, la valeur du colombien a baissé, estimée à 34 millions d’euro mais il n’est pas impossible qu’un nouveau prêt soit réalisé la saison prochaine. Pour Doyen, le deal avec Falcao tient au contrat initialement passé avec l’Alético Madrid, ce qui revient à dire que le fond d’investissement est lié au Colombien jusqu’en 2016. En revanche, pour José Mourinho, seule compte l’échéance de juin 2018 au moment où le contrat de Falcao arrivera à expiration avec l’AS Monaco. Viendra alors pour le Portugais le moment d’entamer d’autres négociations.
Autrefois perçu comme l’allier de Doyen Sports, Jorge Mendes avait trouvé de l’intérêt dans le projet économique de la société basée à Malte. En transférant le colombien chaque paire d’année, la valeur du joueur augmentait et par la même la commission de l’agent. Mais de partenaire Doyen est devenu rival, désormais présent dans l’environnement du Milan AC, de l’Altético Madrid ou du FC Porto. Mendes a donc développé un réseau similaire. Désormais, il s’emploie tout à la fois à réduire la valeur du Colombien tout en évitant de soigneusement renforcer les clubs affiliés à Doyen Sports avec ses poulains.
Dans le sport l’une des armes de la réussite est d’affaiblir son adversaire, sportivement comme économiquement. Du haut de sa tour d’ivoire, Mendes n’avait rien vu venir mais l’agent portugais a décidé de répondre aux hostilités.