Suite de notre entretien avec Stephane Gueguen chef de produits chez EA Sports, à quelques jours de la sortie de Fifa 15, le 25 septembre prochain. Après nous avoir détaillé les spécificités de ce nouvel opus et la stratégie de communication appliquée par le groupe, il nous explique le choix (commenté) d’Eden Hazard pour la jaquette de l’édition française et plus largement le rôle donné aux ambassadeurs de la marque.
Fifa 15 c’est aussi sa communauté, celle qui se manifeste sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter et celle des joueurs réunis sur un même terrain de jeu : Fifa Ultimate Team. Avec, pour les meilleurs d’entre tous, l’occasion d’amorcer une nouvelle carrière professionnelle. Car être une star grâce à Fifa, c’est désormais possible et le phénomène ne va aller qu’en s’amplifiant grâce aux moyens de communication que sont le web et la TV. Stephane Gueguen nous explique…
Pourquoi ce choix d’Eden Hazard pour représenter la jaquette française ?
Cela ne nous a semblé logique, mais nous avons effectivement eu des retours soulignant qu’il n’était pas Français et qu’il ne jouait plus dans le championnat de France. C’est finalement assez simple, Lionel Messi est l’ambassadeur international et nous cherchions un joueur qui puisse aussi bien parler aux Anglais qu’aux Français et aux personnes du BeNeLux ; l’idée n’étant pas de se dire : « Nous sommes en France, il nous faut forcément un ambassadeur français. » Eden Hazard nous est donc apparu comme une évidence. D’une part car c’est un joueur de Fifa, d’autre part parce qu’il est jeune et qu’il est très apprécié y compris aux Pays-Bas. Nous avons étudié plusieurs pistes mais dès l’instant où nous avons appris qu’il y avait une opportunité avec lui car EA Sports est partenaire de Chelsea, nous avons décidé de mutualiser les jaquettes.
Pourquoi par exemple ne pas avoir reconduit Karim Benzema ?
Cela fait deux ans maintenant que Karim n’est plus sur la jaquette. Nous avons beaucoup bossé avec lui ces dernières années, déjà quand il était à Lyon et ensuite au Real. Avec lui il y avait le packaging, mais nous avons aussi travaillé sur les réseaux sociaux et sur des opérations associatives. Nous avons fait beaucoup de choses avec Karim mais nous avons souhaité, d’un commun accord, renouveler un peu les idées. Cela correspondait aussi à l’avènement de Léo Messi qui est là depuis trois ans, donc nous nous sommes dit que c’était peut-être le moment de changer. Nous entretenons néanmoins d’excellentes relations et continuons à bosser avec lui. Mais on le fait moins.
« Un bon ambassadeur FIFA partage nos valeurs, c’est quelqu’un qui joue »
Existe-t-il une hiérarchie chez vos ambassadeurs ?
Il n’y a pas de hiérarchie en tant que tel, Messi est l’ambassadeur international donc nous travaillons avec lui de manière globale. Il est évident que nous ne pourrions pas dire du jour au lendemain : « Nous, Français, Messi ça ne nous correspond pas, personne ne l’aime, on va mettre des joueurs que nous allons choisir ». Dans le cas de Messi ce n’est pas possible et ce n’est d’ailleurs pas du tout notre volonté. Si le choix s’est porté sur Messi c’est parce qu’il fédère tous les territoires. Messi est donc notre ambassadeur international que nous parvenons à utiliser un peu partout via de la création de contenu dédié.
Libre ensuite aux différents territoires de dire : « Pour faciliter la communication de mon pays je vais prendre tel ou tel ambassadeur ». L’idée n’est pas de se forcer à prendre un ambassadeur s’il n’y en a pas besoin. Cela dépend surtout des opportunités ou de l’éclosion de tel ou tel footballeur. Mais il n’existe par exemple pas de hiérarchie dans la manière avec laquelle on va considérer Hazard et Gonzalo Higuain (qui prête son image à la jaquette italienne).
Qu’est-ce qui fait un bon ambassadeur de Fifa ?
Un bon ambassadeur partage nos valeurs, c’est quelqu’un qui joue. C’est important car nous ne signerons jamais, qu’il soit footballeur ou d’un autre univers, quelqu’un qui n’a pas d’affinité avec le produit. Nous voulons que ces personnes soient heureuses quand nous les sollicitons pour faire des opérations ou quand nous leur mettons le jeu entre les mains. Un bon ambassadeur doit donc être un joueur. Mais il faut aussi qu’il soit disponible. Dans le cas justement d’Eden Hazard, c’est quelqu’un qui est basé à Londres. C’est donc tout aussi simple pour la presse française ou belge de se déplacer que pour Eden Hazard de venir en région parisienne ou dans le Nord puisqu’il y a ses attaches. Quand nous bossions avec Karim Benzema c’était déjà la même chose puisque EA Sports est basé à Lyon.
Y’a-t-il des ambassadeurs en France ?
Nous en avons certains mais tous n’ont pas été révélés. La saison dernière, par exemple, nous avons travaillé avec Gignac qui est un très gros joueur de Fifa et qui prend du plaisir à assister aux événements que nous organisons. Idem avec Blaise Matuidi qui est lui aussi un gros joueur. Nous avons fait des événements avec Varane mais également sur Fifa Utlimate Team avec Pierre Ménès et Daniel Riolo. Nous allons continuer de travailler avec ces gens-là. Nous faisons rarement du « one shot », la plupart des partenariats que nous menons se font sur la longueur.
Ces ambassadeurs pèsent-ils sur le budget Fifa ?
Les joueurs sont réceptifs parce qu’il y a affinité. Nous ne nous disons pas : « Prenons un ambassadeur et cela va augmenter nos ventes de x pour cent». Nous prenons un ambassadeur parce que ça nous fait plaisir de travailler avec lui. Et parce que nous savons que nous augmentons notre base de contacts potentiels. Nous sommes plus sur une réflexion qui est de grossir notre univers Fifa en prenant des personnes qui sont dans notre état d’esprit plutôt que de se dire : « On va prendre quelqu’un qui vaut tant et qui va nous rapporter tant. » C’est bien évidemment un budget parce que nous bossons avec des personnes qui rassemblent beaucoup de contacts mais cela reste raisonnable dans le sens où ils ont une affinité avec le produit.
Quelles sont les missions de ces ambassadeurs ?
De participer à des événements pour des rencontres avec des journalistes, des joueurs, des fans et de le relayer ensuite sur les réseaux sociaux puisqu’ils sont très actifs pour la plupart.
« Fifa starifie ses meilleurs joueurs »
Vous attachez de l’importance à la communauté. Comment cela se matérialise-t-il ?
La communauté dite visible, qui est celle des réseaux sociaux, est très forte avec 2 millions de fans sur les pages françaises. Elle est très forte, mesurable, quantifiable, nous pouvons l’activer, y mettre de la publicité ou produire des contenus avec les fans. Mais nous avons aussi une communauté spécifique aux tournois. Il y a quelques années il y avait beaucoup de tournois physiques, désormais ils sont beaucoup plus online mais la communauté est restée. On y trouve des gars comme Bruce Grannec, champion du monde Fifa, ou Abdoulaye Sarr, un Youtuber, qui ont démarré par la petite porte sans réseaux sociaux à l’époque et qui comptent aujourd’hui des milliers de followers sur Twitter. Nous travaillons avec eux car ils sont de bonne voix pour Fifa
Fifa peut donc starifier ses joueurs ?
Oui, oui en effet. On le voit avec Bruce qui multiplie les plateaux télé pour parler de Fifa et mettre des raclées à tous les commentateurs qui s’emparent du sujet. Ils sont plusieurs comme lui, certains viennent de Youtube, d’autres viennent directement des tournois et sont présents un peu partout comme Abdou (Abdoulaye Sarr, ndlr). Chaque année on a un champion de France qui, en général, intègre le pôle des ambassadeurs Fifa l’année d’après. Sur les dernières années tous n’ont pas forcément percé ou ont arrêté de jouer mais d’autres continuent. Nous arrivons toujours à garder une bonne histoire avec eux pour montrer que Fifa ce n’est plus simplement un jeu vidéo mais un produit footballistique comme un autre.
A quand un tournoi Fifa diffusé sur une chaîne TV ?
Ça arrive à l’étranger, nous avons failli l’avoir aux championnats du monde Fifa, nous étions en discussions avec une chaîne. Cela ne s’est finalement pas fait mais ce sont des choses qui commencent à voir le jour. La finale du championnat de France Fifa, la saison dernière, était diffusée en direct sur L’equipe.fr, en streaming. L’année d’avant elle l’était sur JeuxVidéo.com. On voit d’ailleurs le passage d’un très gros site de jeux vidéos à un très gros site de sport. Si L’Equipe aujourd’hui le diffuse c’est bien qu’il y a un intérêt.
Il y a donc un public pour regarder des joueurs qui se défient sur console ?
Bien sûr. Quand Bruce joue par exemple, c’est assez incroyable de voir la maîtrise qu’il peut avoir. C’est aussi un spectacle que d’entendre commenter Kevin Brak qui est l’acolyte de Bruce. Il y a deux ans il a commenté la finale aux côtés de Daniel Riolo de RMC. Avoir des ambassadeurs comme Daniel Riolo, micro en main sur Fifa c’est plutôt amusant. D’ailleurs il me disait quand il venait sur les tournois qu’il ne s’attendait pas à voir quelque chose d’aussi organisé avec autant de passion.
Est-ce la communauté qui vous dicte la marche à suivre ?
Nous organisons des temps forts avec eux, nous les sollicitons dans le cadre de nos études qui sont menées au global ou dans les discussions que nos community managers ont avec eux. Il y a la communauté « connue » que l’on suit et avec laquelle nous communiquons depuis longtemps et il y a tout ceux qui nous remontent ce leurs recommandations. Nous recevons régulièrement chez EA Sports des lettres pour nous dire : « J’ai pensé à ça… ». Autant que possible nous essayons de voir ce qu’il se passe, d’écouter et éventuellement de corriger. Nous donnons beaucoup d’importance à la communauté. A titre d’exemple, c’est elle qui décide des règles de Fifa. Si, par exemple, nous décidons de réduire le temps de jeu et que nos fans nous déconseillent de le faire nous les écoutons. Car nous savons que par la suite c’est eux que nous allons avoir dans l’arène.