Ils sont partis à 59 bateaux, depuis Le Havre en direction de Salvador de Bahia. La Transat Jacques Vabre est pour beaucoup des skippers engagés, une mise en bouche sous forme de test grandeur nature, avant la plus importante échéance du Vendée Globe, l’année prochaine. Tous ceux qui lorgnent sur le tour du monde en solitaire devraient prendre le départ, mais parfois les budgets sont difficiles à boucler, car la voile est un sport couteux à pratiquer et pas toujours simple à appréhender pour les sponsors. Malgré les valeurs positives que véhicule la discipline et ceux qui l’animent.
En voile, la performance dépend des skippers autant que de l’investissement des marques
L’infographie de Sporsora le détaillait dernièrement : le coût d’une transat ou d’un Vendée Globe peut se chiffrer en millions d’euros, selon la catégorie du bateau, sa technologie et le coût de l’entretien. En ce sens, les IMOCA Charal et Banque Populaire font références, ce sont deux projets construits autour des marques titres, avec un effort conséquent de chacune pour viser les premiers rôles. La forme diffère quelque peu entre Jérémie Beyou, navigateur entrepreneur associé à Charal et Armel Le Cléac’h sous contrat avec le groupe bancaire. Eux (ou l’Anglais Alex Thomson sur Hugo Boss, notamment), ont des moyens financiers supérieurs au reste du plateau, mais une pression forte de résultats.
Une majorité de navigateurs contrainte de chercher des sponsors pour couvrir les épreuves
Les autres sont plus indépendants, et la majorité éprouve des difficultés à trouver des sponsors. Etre un navigateur aujourd’hui, c’est d’abord endosser le costume du VRP. D’Alexia Barrier (4MyPlanet) à Aurélien Ducroz (Crosscall Chamonix-Mont-Blanc) ou Romain Attanasio (Pure), tous nous ont confié poursuivre le même but : trouver un sponsor titre en vue du prochain Vendée Globe. Comprendre un partenaire premium à poser sur la voile. C’est-à-dire le plus cher. Rencontré à la veille du départ de la Transat, Romain Attanasio explique sans langue de bois, tout le travail en amont qui consiste à trouver des commanditaires. Et bien évidemment les satisfaire ensuite.
Trouver des commanditaires est une chose, rendre efficace l’investissement en est une autre
« Le bateau est en chantier du 1er janvier au 15 avril. Pendant ce temps là je fais le tour des entreprises, soit près de 80 000 kilomètres. Plus les bateaux sont gros, plus cela demande de s’investir. » Passionnant sur le sujet, le mari de Samantha Davies ne ménage ni son temps, ni ses efforts pour les partenaires. La marque Pure (spécialiste des produits détergents écologique et biologique) est son sponsor principal, moyennant 300 000 euros par an pour le skipper et son bateau. Et peu plus pour assurer la rentabilité de l’investissement, par des activations. Par exemple, de louer l’espace d’un stand au départ d’une course, pour capter le public sur place. Ou de réunir ses collaborateurs ou clients autour du projet, parfois directement en mer sur le bateau. « Tout cela coûte de l’argent et se prévoit avant. Mais c’est une chose nécessaire », insiste Romain Attanasio.
La bataille aux sponsors renvoie parfois aux mêmes interlocuteurs
Séduire, convaincre puis fidéliser : dans l’idéal c’est ainsi que cela se passe auprès des marques. Sauf que régulièrement sollicitées – de la voile ou d’autres univers – elles ne se laissent pas toutes facilement convaincre. Quand elles ne sont pas déjà prises ailleurs. « Il peut arriver que certains l’osent, mais globalement les skippers sont solidaires. Personne ne démarche le sponsor d’un autre ». Cela réduit en conséquence la voilure des soutiens providentiels. Alors pour compenser, se développe le concept du « club entreprise ». Où comment réunir des « micro-partenaires », moyennant un ticket d’entrée fixé à quelques milliers d’euros, en échange d’un peu de visibilité sur le bateau, ou d’actions communes. Grâce à cela, Romain Attanasio cumule 47 sponsors cette année. Sa camarade Alexia Barrier fait, elle aussi, la même chose pour augmenter le budget.
Il arrive aussi que les marques cherchent d’elles mêmes des partenaires pour se promouvoir
Il arrive sinon que le processus s’inverse, avec l’annonceur qui approche le skipper. Le groupe Primonial est entré ainsi dans la discipline. En s’associant à l’un des trois Multi 50 engagés sur la Transat. « La voile répond à pas mal des valeurs que nous partageons, note Stéphane Vidal le PDG de groupe spécialisée dans la gestion du patrimoine. Il y a une vraie similitude entre les contraintes de la météo d’un côté et nos activités de l’autre. Notre enjeu comme celui de Sébastien (Rogues, ndlr) est de faire de l’imprévisible, une performance. » Il y avait près d’un demi-million de personnes au Havre, le 27 octobre et une couverture médiatique importante, notamment de France Télévision en tant que diffuseur. La voile est un sport un peu segmentant pour le profane, mais les soutiens sont nombreux et la curiosité du public averti forte, pour les « Ferrari des mers ». Pour les marques, c’est un grand terrain de jeu au potentiel d’exploitation presqu’aussi large qu’un océan.